Le 20 octobre, Salah Eddine, sportif Sahraoui de haut niveau réfugié politique en France, a participé à une rencontre organisée au Parlement britannique autour de la thématique des droits de l’homme.
La salle était comble et de nombreuses personnes n'ont pu s'asseoir. Etaient présents notamment le représentant du POLISARIO, trois députés britanniques et plusieurs jeunes militants sahraouis.
Après une présentation de la situation par Marc Leutchord puis une allocution du député britannique Jeremy Corbyn, sur fond d'image des exactions commises contre les femmes de la famille Amaidane, Salah Eddine a témoigné de son histoire. Il a rappelé qu'il ne présentait son histoire que comme une illustration des nombreuses violations des droits de l'homme perpétrés au Sahara Occidental contre les sahraouis.
Selon lui, les violations systématiques par le Maroc de chaque article de la déclaration des droits de l'homme et de la convention des droits de l'enfant ont pour origine l'acte initial et impuni de la brutale invasion et colonisation du Sahara Occidental en 1975.
La rencontre a été d'autre part l'occasion d'informer des différentes manifestations à venir, le lancement du projet IEF (International Education Fund) en Angleterre et le Sahara Marathon accompagné par Sandblast.
Danielle Smith a rappelé le rêve olympique de Salah Eddine pour Londres 2012, la participation d'athlètes sahraouis sous leur propre drapeau et souligné le rôle des Anglais pour faire avancer cette question.
La reconnaissance des organisations olympiques Sahraouies n'est pas encore acceptée par le comité olympique international alors qu'elle l'a été pour Porto Rico et la Palestine, pays de la même façon non indépendants.
Le 21 octobre 2009
Intervention de Salah Eddine Amaidan, Parlement Britannique, le 20 octobre 2009.
Bonjour
Je voudrais d’abord vous remercier d’être venu m’écouter et de bien vouloir par ce biais entendre les traitements inhumains que subit mon peuple.
Ce que je vais vous dire est mon histoire mais ce n’est qu’un exemple de ce que souffre le peuple sahraoui au Sahara Occidental occupé. Et certains ont souffert et souffrent bien d’avantage et tous les jours encore, de tortures physique et psychologique.
J’aurai pu prononcer un discours académique devant vous. Pour préparer cela j’ai relu la déclaration universelle des droits de l’homme et la convention internationale des droits de l’enfant. Et j’ai constaté qu’au Sahara Occidental occupé tous les articles de ces déclarations étaient violés par l’occupant et sans aller dans le détail par le fait même d’être un colonisateur impuni depuis 1975.
Je suis né en 1982 à El Aaiun au Sahara Occidental. J’ai 26 ans.
Je suis né alors que mon pays était occupé militairement depuis 7 ans par le royaume du Maroc.
Je me souviens comment très petit j’étais en colère contre les marocains qui nous discriminaient, nous volaient ce que nous avions ou essayer de nous frapper mes frères et sœurs et moi.
J’ai commencé ma carrière de sportif avec la police… en fait, elle me poursuivait.
Tous les sahraouis des territoires occupés peuvent être de bons coureurs…
J’ai grandi en pensant que ce que nous vivions tous les jours, la famille, les voisins et les copains, était normal.
J’ai été repéré par un sélectionneur de l’équipe du Maroc à 12 ans alors que j’avais gagné une course de détection pour les enfants à El Aaiun.
Suite à cela mon père a reçu une invitation pour que je parte à Rabat dans une école sportive de l’équipe nationale marocaine, pour des entraînements et compétitions.
J’étais plutôt un rebelle et j’étais connu de la police, par peur réelle des conséquences d’un refus, pour moi ou pour la famille, mon père a accepté.
Il était déjà handicapé, il avait perdu une jambe sur une mine qui avait explosé alors qu’il menait ses troupeaux dans le désert en 1979 vers Smara.
Il craignait que les allocations d’aide qu’il recevait lui soient supprimées.
A 13 ans, j’ai donc été envoyé à Rabat, à 1500 kilomètres de ma famille.
J’étais en internat et le seul Sahraoui de cette équipe. J’ai toujours ressenti la discrimination de la part des entraîneurs et des jeunes avec qui j’étais.
Je n’avais pas la même langue ni la même culture, ni les mêmes habitudes ou traditions.
Les adultes qui nous encadraient ne me permettaient pas de parler hassanya. J’avais souvent des programmes d’entraînements trop durs pour mon âge et mes vacances scolaires ont souvent été réduite aux derniers 15 jours d’août sans considération pour mes demandes de rentrer chez moi.
Je faisais néanmoins des bonnes performances.
Pendant ma carrière avec l’équipe du Maroc, j’ai été triple champion du Maroc en cross country (1996, 1997, 1999), 2e champion du Maroc du 3000 stiple (2000), 15 fois champion du Sahara occidental (1993-2002, toutes disciplines), 2e champion d’Afrique (cross cadet, 5000m), deux fois champion cadet des pays arabes en cross country (1998 et 1999).
Quelqu’un m’a dit que parmi vous il y avait de bons sportifs alors je vous dis aussi mes meilleurs chronos : 3’’39 sur 1500m, 28’’ 53 au 10 Km, 44’’ 56 au 15 Km et 1h 03’’43 au semi marathon.
En juin 1999 j’ai été blessé. Une blessure de sportif au tendon.
Les responsables de l’équipe nationale m’ont mis dehors et m’ont renvoyé chez mes parents à El Aaiun.
En septembre, j’ai pris part à la première intifada contre l‘occupation marocaine, cela a duré 15 jours. Pendant 6 jours et nuits, nous avons manifesté et résisté contre les forces de polices et militaires qui étaient très bien équipées.
Le 6ème jour j’ai été arrêté avec 80 autres jeunes.
J’ai été détenu dans un centre de police pendant 18 jours.
J’avais les yeux bandés, et les jambes attachées.
Nous étions tous serrés les uns contre les autres et l’espace était trop petit pour le nombre que nous étions.
J’ai été battu et torturé tous les jours, interrogé sur mes activités, celle des gens que je connaissais ou pas, sur les relations avec le POLISARIO.
J’ai reçu des coups sur l’ensemble de mon corps.
J’ai été relâché au bout de 18 jours sous la pression de ma famille et de responsables sportifs qui attestaient de mon niveau.
En fait on m’a donné le choix suivant. Sortir pour retourner faire du sport à Rabat, ne plus avoir d’activités politiques et ne plus jamais revenir à El Aaiun, ou aller en prison.
J’ai choisi de retourner à Rabat et de continuer à faire du sport.
J’avais l’idée que courir pouvait être pour moi un moyen de continuer à lutter pour mon peuple et pour l’indépendance de mon pays.
Je suis retourné à rabat et après deux années de très bonnes performances j’ai été repris dans l’équipe nationale du Maroc.
Pendant ces années à Rabat je n’ai pas cessé de ressentir la discrimination du fait de mon identité sahraouie. À chacun des contrôles de police pour lesquels je devais présenter mes papiers d’identité j’étais conduit au poste de police et interrogé longuement sur mes activités, alors qu’il été bien visible que j’étais un sportif de haut niveau et que je m’entraînais.
Sur la carte d’identité de tous les Sahraouis, une carte marocaine, il y a deux lettres : SH qui nous identifient comme Sahraouis. C’est pour ce signe que je faisais au moins une fois par semaine un séjour toujours inconfortable au poste de police.
Dans cette équipe nationale, j’ai réussi des performances me permettant de participer à des compétitions sur route en France.
J’ai couru les 10 kilomètres d’Agde et j’ai gagné. J’ai fait les 200 derniers kilomètres en faisant flotter le drapeau de ma république. La république Arabe Sahraouie Démocratique. Un ami marocain m’avait donné le drapeau à la fin de la course.
Je me suis mis sous la protection de la police, et j’ai demandé l’asile politique à la France. Pour moi la France était un pays démocratique où l’on pouvait parler sans risquer sa vie.
Je sais que les autorités marocaines ont essayé d’empêcher que j’obtienne l’asile politique.
Je suis maintenant en France, un frère et une sœur sont aussi en France.
C’est pour mon pays et son indépendance que je cours.
Je sais que de nombreuses personnes de ma famille résistent et sont harcelés par la police.
Mon père bien qu’handicapé et dialysé maintenant, est convoqué chaque semaine par l’agent secret marocain pour un interrogatoire.
5 de mes cousins sont en prison. Un de mes frères a été emprisonné alors qu’il avait 15 ans et demi. Il est resté 1an et demi dans une prison pour majeurs et il porte de nombreuses marques des blessures et tortures qu’il a subies et qu’il s’est infligées tellement les conditions étaient dures pour lui.
Les femmes de ma famille sont régulièrement enlevées par les forces de sécurités, interrogées, torturées, humiliées et abandonnées dans le désert.
En tout ce sont 17 membres de ma famille qui ont subi des brutalités, des arrestations et des emprisonnements arbitraires.
Pour moi cela fait 14 ans que je n’ai pas passé un mois entier avec ma famille.
J’attends de pouvoir bénéficier des échanges familiaux mis en place dans le cadre de l’ONU par la MINURSO pour pouvoir rendre visite à ma famille en sécurité ou au moins en étant protégé. Cela fait deux ans que j’en ai fait la demande.
Je vous parle de ma famille, mais c’est le sort de tout le peuple sahraoui vivant aux territoires occupés dont je vous parle.
Pour finir, je vous invite à venir dans les campements de réfugiés, ou malgré les très dures conditions de survie nous sommes libres.
Libres de nous exprimer, libre de pratiquer nos traditions et de vivre selon notre culture, libres de vous accueillir… et pourquoi pas lors de la semaine du Sahara Marathon…
Version anglaise.
Testimony by Salah Eddine Amaidan, British Parliament October 20, 2009
Greetings
I would like, first of all, to thank you for coming to listen to me and by this to understand the kind of inhuman treatments that my people are being subjected to. What I want to tell you is my story but it represents only one example of what my people endure in occupied Western Sahara. Many have suffered and are suffering more than me on a daily basis from physical and psychological torture.
To prepare for today I reread the universal declaration of human rights and the international convention on the right of the child. I can tell you that each and every article has been violated by the Moroccan occupiers in Western Sahara since they began the forceful annexation of my country in 1975. The origin of all these human rights abuses comes from the fact that the illegal Moroccan occupation has been able to continue with inpunity.
Now by way of illustration, I am going to tell you my story.
I was born in Al Auin, the capital of Western Sahara, 7 years after my country was militarily occupied by the Royal Moroccan forces. I am now 26 years old.
I remember from a young age that I would get very angry with the Moroccans when they discriminated against us, stole what we had or tried to beat me and my brothers and sisters.
I began my sports career with the police. In fact they chased me but could never catch me. I think all the Saharawis in the occupied territory could become good runners. I grew up thinking that what we exprienced everyday, the family, neighbours and friends was normal. Then when I was 12 years old I was picked out by a scout for the Moroccan team after winning a trial run for children in Al-Auin.
Soon after, my father received an invitation for me to go to Rabat to a sports school for the national Moroccan team to train and compete. More than anything I was a rebel and known by the police. My father was afraid of the consequences for me and the family if he refused the invitation. So he accepted. He was already physically handicapped. He had lost a leg when he stepped on a landmine while herding his animals in the desert around Smara in 1979. He feared that the small financial assistance he received would be stopped.
I was 13 when I was brought to Rabat, 1500 km away from my family. I was the only Saharawi in the boarding school where they put me. I had to endure all sorts of discriminations from the trainers and the other kids as I didn’t speak the same language nor had the same culture, the same habits or traditions. The adults that took care of us, didn’t allow me to speak hassaniya. Often, my training was too hard for my age. The school holidays were limited to the last 15 days of August and this did not take into consideration that I required more time to travel to and from my family who were 1500 km away.
During my career with the Moroccan team, I became triple champion in cross-country racing between 1995 and 1999. I came second for Morocco in the 3000m steeple race in 2000 and was champion for Western Sahara 15 times in all the categories, from 1993 to 2002. I also was African runner-up for 5000m in 1998 and a two-time winner of the cross-country races for the Arab countries (1998-9). For those who are interested in my athletic story, I will be happy to meet you and speak more about my sports projects and dreams after this session.
In June 1999, I got injured. A sports injury of the tendon. Those in charge for the national team kicked me out and sent me back home to my parents in Al-Auin. Then in September of the same year, I took part in the first intifada against the Moroccan occupation. It lasted 15 days. During six days and nights, we demonstrated and resisted against the police and military forces.
On the sixth day, I was arrested alongside 80 others. I was brought to the police station and detained there for the next 18 days. We were all tied together into a room way too small for all of us. Everyday, I was beaten and tortured, interrogated about my activities, the people I knew and my relations with the POLISARIO. I was beaten all over my body.
I was let go after 18 days thanks to my family and my sports director who verified my talents and put pressure on the police. They gave me the following choice: To leave Al-Auin to return to Rabat and the athletic team, and refrain from any political action and never return to Al-Auin or I go to prison. I chose to return to Rabat and continue running. It was then that I had the idea that running would become my means of expressing my people’s suffering and campaigning for my country’s independence. I returned to Rabat and after two years of proving myself good enough, I joined the Moroccan national team.
During these years in Rabat, the discriminations and attacks against me because of my Saharawi identity never stopped. Everytime I was stopped by the police and I had to show them my ID, I was taken to the police to be interrogated about my activities. Every Saharawi ID with a Moroccan identification card, has two big letters : SH, that stand for Saharawi. It was because of these two letters, SH, that I had to go at least once a week and spend an uncomfortable day in the police station.
My good performances in the national team of Morocco, allowed me to take part in the competitions in France. In 2003, I ran the 10k in d’Agde and won. In the remaining 200m of the competition, a Moroccan friend gave me the flag and I unfurled my country’s colours. The colours of the Saharawi Arab Democratic Republic. At that point I sought police protection and asked for political asylum in France. France for me is a democratic country where one can speak freely without risking one’s life. I know that the Moroccan authorities tried to object to my political asylum. I am in France now with one brother and one sister.
I run for my country and for its independence. And I know that many members of my family are continuously being harassed by the police because they are resisting the occupation. Although my father is ill, the police interrogates him each and every week. Five of my cousins are in prison. One of my brothers was imprisoned for a year and half although he was only 15 years old. He was put in prison for adults. He has countless bruises and injuries from the torture that he had to endure.
The women in my family are frequently taken away by security to be interrogated, tortured, humiliated and abandoned in the desert. I have 17 family members that have endured brutality, arrests and arbitrary imprisonment. In 14 years, I had not spent a single month with my whole family.
I am waiting now to benefit from the MINURSO programme of family exchanges between the refugee camps and the ocupied territory in Western Sahara, to be able to see my family safely or at least somewhat protected. It is more than 2 years since i made the request to participate in this exchange. I have only spoken to you about my family, but my experience is shared by all the Saharawis that live in the occupied territories of Western Sahara.
To finish I would like to invite you to come to the refugee camps, where despite the very hard conditions of life, we are nevertheless free. I mean free to express ourselves, free to express our traditions and live our culture, free to welcome you… and so why not come in the week of the Saharamarathn next February.
I want to thank you very much for taking the time to come and listen to my testimony today.
Translation of text from French by Danielle Smith and Cathrin Lemoine (Sandblast)