mardi 26 février 2013

Sahara marathon 2013, cru exceptionnel

C’est un Sahara Marathon exceptionnel qui s’est couru cette année dans les campements de réfugiés sahraouis ce 26 février 2013. 

Du fait de la guerre au Mali et des violences d’In Amenas,les co-organisateurs Italien et espagnol ont décidé d’annuler leur participation à cette date. La compétition a donc opposé sur les distances habituelles de marathon, semi marathon, 10 et 5 km, les Sahraouis et leurs voisins, en l’occurrence des sportifs algériens venu faire honneur à la course. 

A exceptionnel, exceptionnel et demi cependant la présence de Patrick, un français, sur le 10 km. 

Malgré les 30 degrés brulants, c’est le champion Sahraoui Salah Eddine Amaidan qui est arrivé premier des 10 km, en 33 minutes 58 secondes, acclamé par les youyous et les cris de joie et de fierté. 

Salah Eddine a couru "en hommage à son frère Abachikh, aux prisonniers politiques sahraouis et à tous les combattants pour la résistance et l'indépendance du Sahara Occidental". 
Patrick est arrivé 19 minutes après, bien content finalement d’avoir transformé son inscription initiale au semi marathon en une participation au 10km. 

Les commentaires de Patrick à sont arrivée à Smara, après avoir bu et mangé: 
"J’ai trouvé la course très difficile. Il y a des grandes lignes droites, et je n’ai pas l’habitude du désert. Le terrain c’est parfois des cailloux ou du sable, et je ne retrouvais pas les appuis dont j’ai l’habitude sur route. La chaleur vraiment forte aujourd’hui m’a surpris. 
J’ai beaucoup aimé l’accompagnement des femmes qui faisaient les youyous pour m’encourager, et les enfants qui ont couru sur des petites distances à mes côtés. Je fais les 10km couramment en France, mais ceux la je les ai trouvés longs. Je me projetais sur un semi, et je l’ai échappé belle. Comme ça j’ai vraiment aimé cette course." 

La fête de la république Sahraouie, demain, sera aussi l’occasion d’une démonstration des footballeurs sahraouis dans la finale du tournoi du 27 février, au campement de Smara. 

APSO, 26 février 2013.  

Les chiffres : Inscrits sur toutes les distances : 442 soit 342 Sahraouis, 97 Algériens, 3 Européens Participants : 286 dont 1 français, 1 finlandais Arrivés : 212 dont 1 français

    

dimanche 24 février 2013

Perpétuité pour des opinions politiques, et que fait la France ?



Le ridicule « procès » des 24 sahraouis de Gdaym Izik s’est enfin tenu, puis enfin terminé le 17 février 2013 après 9 jours de mascarade.
Sans surprise, ces civils militants pour l’indépendance de leur pays le Sahara Occidental ont été condamnés par le tribunal militaire marocain - la puissance colonisatrice - à des peines allant de 20 ans de prison à la perpétuité.
25 condamnations pour 24 accusés et leurs 24 chefs d’accusation. Le 25ème condamné avait été arrêté, gardé 3 jours et relâché. Il est maintenant condamné à perpétuité, alors qu’il  n’a pas été accusé, et à fortiori ni entendu ni défendu. Il est probable qu’il reste en Espagne jusqu’à la fin de ce « malentendu ».

Pour être plus exact sur le verdict, deux inculpés ont été libérés, puisque les condamnations ont été de la période effectuée, et un condamné à 20 ans de prison avec sursis. En priant les ex-prisonniers d’excuser la formulation, les « petits poissons » et les « trop mal en point » - sont à l’origine de nouvelles façons marocaines de faire des verdicts. Peine de « ce qui a été fait » !

24 moins 3, il reste donc de ce groupe de Sahraouis prisonniers, 21 personnes qui payent en fait les frais de la tentative marocaine de décapitation de la résistance sahraouie. Parce qu’en définitive, qu’importe qu’ils aient pu faire - ou non - ce dont on les a accusé, la question n’est pas là.

Et à part ça ?
Le lendemain de ce verdict, suite à la visite au quai d’Orsay français du représentant spécial de l’ONU dont l’objectif est de trouver une solution avec les pays amis du Sahara Occidental, la France s’affirme comme le meilleur ennemi.
Dans le communiqué du quai d’Orsay, la France de François Hollande écrit noir sur blanc son soutien à la proposition du Maroc d’une autonomie du Sahara Occidental, considérant les sahraouis comme les Azawad au Mali.

On peut se demander qui est l’auteur de la question qui dénote d’une grande méconnaissance de la question sahraouie et de la zone, la réponse elle, est précise, c’est celle de la période Sarkozy.
Et c’est souffrir encore d’un mépris affligeant du droit international.

Parce que le droit international est clair sur la question du Sahara Occidental.
Sont incontestables : la qualification de territoire occupé, l’interdiction de vendre des armes au Maroc, le crime de guerre que constitue le déplacement des colons marocains au Sahara Occidental, la violation du droit international pour chaque recherche, chaque prélèvement d’une ressource naturelle du territoire, poisson, phosphate, sel , pétrole …
Le droit international est clair mais rien ni personne de contraint efficacement le Maroc à le respecter.

Alors ? Que reste t il ?
Finalement pour le Sahara Occidental, rien ne bouge, rien ne change au niveau international. Les petites avancées servent d’écran pour mieux reculer, pour amuser la galerie.
Il reste les millions de dollars ou d’euros que le Roi du Maroc tire des ressources naturelles du Sahara Occidental, il reste la violence arbitraire et la peur pour les sahraouis en territoires occupés, les maladies, la malnutrition pour les Sahraouis réfugiés, l’exil et l’errance… et de nouvelles tortures pour les 21 du groupe de Gdaym Izik.

Il ne reste qu’à être pessimiste.  L’humanité n’a pas atteint son âge de raison et reste enfermé dans une vision intéressée et à court terme.
L’inéluctable explosion du peuple marocain harassé par la dictature, lassé de la mort de ses jeunes, ceux qui veulent construire un autre avenir, entrainera un changement de la situation des Sahraouis.

L’intérêt de la France à rester au Sahel pour surveiller ses intérêts et poursuivre son pillage néocolonial ne pourra se faire sans la bienveillance de l’Algérie. Alors il faudra infléchir les discours sur le Sahara Occidental, il faudra au minimum adopter une réelle neutralité pour approcher le même respect du droit  international que les algériens sur la question sahraouie. Il faudra cesser de soutenir et couvrir les exactions marocaines, de collaborer à main mise de toute l’économie du Maroc par son dirigeant.

Après tant de douleurs infligées à ce continent, on se serait bien pris à rêver d’un meilleur sort pour la dernière colonie d’Afrique… Mais peut-on encore espérer que, comme dans les beaux discours, les valeurs des droits de l’homme et du droit international dépassent un jour les intérêts économiques de nos élites ? Ces intérêts jamais avoués, qui s’éloignent toujours plus des préoccupations du peuple, qu’il soit français, sahraoui, algérien ou même marocain ?

APSO, 24 février 2013


mardi 19 février 2013

Lettre ouverte aux Evêques d'Algérie



Lettre ouverte aux Évêques d'Algérie

J'entends dire, à qui veut bien l'entendre, que le temps de carême est un temps de partage.
 Alors permettez-moi de partager avec vous la proximité d’une souffrance, à défaut de partager l'immense misère du monde.
 Permettez-moi de partager pendant quelques minutes de votre temps des  années passées dans les camps de réfugiés Sahraouis, dans cette partie du désert évitée des nomades, où cependant trois générations se partagent presque 40 ans d'exil.
Permettez que nous partagions  au moins pour information et par empathie ces conditions climatiques inimaginables si on ne les vit pas, ces maladies chroniques que les mesures alimentaires déséquilibrées d'urgence finissent par installer, cet espoir d'une solution pacifique et juridique qui s'amenuise d'années en années au point qu'il ne pourrait bientôt plus se partager ;
Et cette souffrance, sous leur fierté cachée, tant et si bien qu'elle a sans doute tant de mal pour cela, à être partagée.
Permettez que nous partagions l'injustice d’une centaine de  résolutions juridiques internationales admises mais non appliquées pour la libre détermination de leur avenir, mais également l'injustice de procès d'exceptions bafouant les mêmes résolutions et règles internationales et condamnant des militants des Droits de l'Homme de 20 ans de réclusion à perpétuité par des aveux signés de leurs empreintes, yeux bandés lorsqu'ils refusent de le faire par écrit sous la torture.
Et nous, à quel tribunal appartenons-nous pour condamner les enfants qui continuent de naître dans les camps ?
Pouvons-nous admettre et partager cette détermination de l'avenir d'un peuple?
Notre part offerte du partage n’est elle donc que cet assourdissant silence et cette lâcheté des « grands de ce monde », une part séparatrice comme ce mur et ce champ de mines qui divisent un même peuple ?
Nous avons divisé, colonisé, « dévelopillée » l’Afrique selon nos notions de partage et de profits confusément mêlées. Le Sahara Occidental, dernière colonie d’Afrique en est l’exemple. Aujourd’hui l’humanitaire tente de  réparer les conséquences de ces fautes quand il n’est pas instrumentalisé par ceux qui les commettent.
Faudra t’il continuer d’échanger indifférence contre souffrance ou de partager solidarité et espoir ?
Permettez que nous partagions quelques instants d’un carême, non de 4O jours, mais de bientôt 40 années au désert.
 Mon amie Nuena, femme sahraouie, un jour m’a  dit : « Quand tu lis, tu oublies. Quand tu entends, tu oublies. Mais si tu vois, tu n 'oublies jamais ». C'est pourquoi vous êtes les bienvenus au milieu du peuple Sahraoui, invités à découvrir et voir la vérité, invités à la déclarer ensemble. Ces quelques signes de partage sont à votre portée, à la portée de tous ; quelques jours passés dans les familles de réfugiés, témoigner de cette petite vérité vécue, rester éveillés à leurs côtés…
…Pour avoir entendu et compris que le temps de carême est un temps de partage.

Jean-François Debargue
Secrétaire Général de Caritas Algérie
Alger, le 18 février 2013 

Publié par APSO avec l'autorisation de l'auteur

samedi 2 février 2013

Est-ce que le droit international s’applique au peuple sahraoui ?

A parier sur l’avenir, on souhaite volontiers une bonne année 2013 aux Sahraouis et à leur lutte légitime. Néanmoins l'accumulation d'indices négatifs pourrait bien assommer momentanément même les plus optimistes de leurs amis. Est-ce que tous les fronts se télescopent sans vraiment d’espoir sur la scène du conflit du Sahara Occidental, malmenant encore plus les uns et les autres ?

Le procès des 24 Sahraouis prisonniers politiques après les évènements de Gdaym Izik en 2010, enfermés en prison militaire et relevant du tribunal militaire marocain en tout illogisme vu leur état de civil, devait avoir lieu le 1er février. Il est à nouveau et pour la 3ème fois reporté. Au 8 février. La cour refuse à la défense la comparution de certains témoins. Toute cette mascarade sans fondement est une tentative d’intimidation de la résistance sahraouie. Le tribunal militaire n’est pas compétent à juger des civils, les plus de 2 années en détention provisoire sans inculpation sont illégales au regard du droit international comme du droit pénal marocain. Quant à la lecture des chefs d’accusation, même dans une mauvaise traduction, ils laissent pantois ! Quand on connaît les méthodes de tortures et la capacité de fabrications de charge et de faux aveux du régime marocain, tout est là !

L’accord de pêche entre l’UE et le Maroc semble être hors sujet dans son intitulé, et pourtant. Les deux cherchent de nouveau à s’accorder pour permettre aux navires européens de pêcher dans les eaux sahraouies. Les euro-parlementaires, fin 2011, avaient pourtant rejeté l’accord et mis fin à quelques années d’une pratique européenne peu glorieuse, illégale et très onéreuse de surcroit, dans la mer sahraouie. Il faut à nouveau aux Sahraouis et à leurs amis rappeler les arguments du droit et de l’éthique aux responsables européens. De l’avis des Sahraouis la surpêche qui a vidé les eaux marocaines et mis en péril de nombreuses espèces protégées, est un fléau qui est promis à leurs eaux à très courte durée. Les navires présents dans la Zone Economique Exclusive sahraouie ne sont ni surveillés ni punis.

L’accord agricole entre l’UE et le Maroc est entré en vigueur en octobre dernier. De la même façon, les frontières du Maroc, celles reconnues par l’ONU, ne sont pas spécifiées, laissant au Maroc la possibilité d’importer en toute illégalité des produits venant du Sahara Occidental. L’accord agricole va dans les faits favoriser des grosses entreprises marocaines, notamment celle du roi, et des entreprises françaises, au détriment des Sahraouis, des petits producteurs français et espagnols. 

Des euro-parlementaires dont José Bové, des organisations paysannes espagnoles et françaises, dénoncent cet accord et l’attitude déloyale des entreprises françaises Idyl, et Azura. La confédération paysanne saisie le tribunal de commerce de Tarascon contre Idyl pour ses activités illégales. La confédération espagnole, très engagées dans les progrès vers une agriculture sans produits chimiques dénonce le paradoxe de l’utilisation marocaine de tels produits actifs interdit en Europe mais tolérés à l’importation marocaine selon des seuils affichés. 

Alors que des chaines de distribution suédoises s’accordent avec les principes du droit international et refusent de commercialiser des produits venant du Sahara Occidental, pour ne pas financer la colonisation, la France des droits de l’Homme est envahie à tous les niveaux de la commercialisation via la plateforme de Perpignan et celle de Châteaurenard. 

La compagnie pétrolière française TOTAL, revenue dans les eaux du Sahara Occidental en catimini il y a plus d’un an, y fait de la prospection sur une surface de 100 000 km2, et cela en accord avec le Maroc et malgré la complète opposition des Sahraouis. La conclusion de l’avis juridique de l’Onu en 2002 statue pourtant clairement à l’illégalité d’une telle pratique. Il faudrait de la part de la France l’émission d’un guide intitulé « le droit international expliqué à ses entreprises » tant elles multiplient les infractions*. Idyl, Azura, Total, mais aussi SPIE, Cultimer via les huitres Kandy, Lahaye ont entre autres été vues au Sahara Occidental occupé.

Quand à la guerre française au Mali, vestige d'une Françafrique que nous n’avons pas encore enterrée, elle a des incidences directes sur les Sahraouis. Le Sahara Marathon, rencontre sportive internationale dans les campements de réfugiés, dont la 13ème édition devait avoir lieu le 25 février a été transformée. Les organisateurs ont préféré éviter la présence d’un grand groupe d’’étrangers dans la zone. La compétition sera nationale, ouverte aux seuls pays de la région. Cela fait plusieurs centaines d’occasion de moins pour les Sahraouis d’ouvrir les tentes à des sportifs venus du monde entier et leur expliquer leur histoire et leur vie.

Certains disent que les choses seront pires encore quand la guerre aura vraiment commencé… La vigilance militaire sahraouie déjà renforcée en territoires libérés pourrait prendre l’allure de mobilisation générale.

APSO, 2 février 2013 

*Corell 2002 
 … « si des activités de prospection et d’exploitation devaient être entreprises au mépris des intérêts et de la volonté du peuple du Sahara occidental, elles contreviendraient aux principes de droit international.»

 Une vielle femme Sahraouie manifeste à Rabat