samedi 30 juin 2012

Parce que


 A Tfarrah et aux autres mamans, dépossédées de leur seul bien.


Parce que sa naissance gênait un roi qui pillait son pays, l’enfant n'a pas ouvert les yeux.
Parce que sa naissance accusait une organisation de nations soit disant unies de n'avoir pu offrir à ses jeunes parents que leur propre naissance dans ces mêmes camps, l’enfant n'a pas voulu crier.
Parce que sa naissance dénonçait les conséquences de mesures humanitaires incapables de remplacer  l'application de mesures de justice internationales, l’enfant a cessé de respirer.

Parce qu’années après années, la chronicité des problèmes cumulés rend la naissance et la survie des enfants Sahraouis de plus en plus difficile, et parce que dans le même temps,  le Maroc, la France et l’Union Européenne se partagent illégalement le butin des ressources du Sahara Occidental et dilapident l’espoir dans d’inutiles négociations, cet enfant, comme bien d’autres n’a pu vivre.
Parce que survivre du jour de sa naissance à celui de sa mort dépend de notre vitesse à oublier, sa survie a été de deux jours.
Parce que les fausses couches, les enfants morts nés, les enfants nés qui meurent, les enfants handicapés, les enfants qui survivent, les enfants en retard de croissance, les enfants malades ont fait naitre et vivre l’espoir, à défaut de naitre et de vivre eux-mêmes, normalement.

Parce que je suis de ceux qui pensent qu'un enfant ne doit pas mourir, pour avoir eu la malchance de naître en exil dans le désert du Sahara.
Parce que je suis de ceux qui pensent qu'il ne faut plus placer sa confiance en une personne, fut elle Président de la République française, roi du Maroc, Secrétaire Général de l’ONU, je ne vous demande pas d'intervenir.
Parce que c'est trop vous demander de prendre le parti d'un enfant dont la vie n'aura duré que deux jours, à cause d'une injustice vieille de trente sept ans, qui sert peu ou prou vos intérêts, et qui elle, voit l’avenir avec sérénité.
Parce qu’il est plus facile de bafouer les droits les plus élémentaires, d’emprisonner, de torturer, d’assassiner, même ouvertement, devant une humanité à peine troublée et des organismes impuissants que de respecter la vie d’un enfant.
Parce qu'il est plus facile d'user de son droit de véto que d'essuyer les larmes d'une mère anémiée dans un camp sahraoui.
Parce qu’il est plus important pour toutes les parties concernées de faire de la stratégie géopolitique  et de penser cyniquement qu’il n’est pas de problème qu’une absence de solution ou que le temps qui passe ne puisse finir par régler.
Parce que les responsables des parties concernées par un conflit devraient négocier jusqu’à aboutissement, entourés de leurs familles dans les conditions et lieux d’exil ou de guerre pour en comprendre l’inhumanité et trouver rapidement les solutions.

Parce que, petit garçon, tu ne pourras jamais demander : »Pourquoi ? » ; Moi qui aurait aimé te répondre « parce que… »
Parce qu’aux larmes de tes parents qui supplient « pourquoi ?», j’ai honte de répondre « parce que »…

Jean-François Debargue

30 juin 2012. Publié par APSO avec l'autorisation de l'auteur.