Elouali Amidane est Sahraoui, il a 23 ans. Il a été condamné par le Maroc à 5 ans de prison pour ses opinions politiques. Sa santé est très fragile. Il est aujourd'hui en grève de la faim depuis 16 jours, en solidarité avec les prisonniers politiques Sahraouis enfermés à Salé pour avoir visité leurs familles dans les campements de réfugiés. Hospitalisé contre sa volonté, et maintenant de retour dans sa cellule, il refuse de manger, contre les avis médicaux, tant que les grévistes de Salé ne seront pas libérés.
Rabab, la soeur d'Elouali, réfugiée politique en Suède, partage aujourd'hui ses pensées amères, et celles qu'elle lui adresse.
Comment puis-je manger quand il a faim
J’essaie de garder vivant mes doux souvenirs. J’essaie de me souvenir quand nous jouions sur le toit de la grande maison de mes grand parents, ou avec les enfants des voisins, où quand nous nous battions et qu’il gagnait toujours la bataille… quand il m’appelait la loucheuse, ou gros nez pour me mettre en colère.
Je me souviens des plans diaboliques pour voler des bonbons dans la cuisine sans que notre mère le sache.
Toutes ces petites choses me font sourire quand elles me viennent en mémoire. Mais rapidement, les sombres et horribles souvenirs chassent les délicieux.
Je me souviens que les policiers l’ont poursuivi, que nous l’avons caché, qu’ils ont pris d’assaut notre petite maison. Je me souviens des cris et des larmes, des coups et de la torture. Je me souviens combien je hais le Maroc.
Mon petit frère est maintenant en grève de la faim avec les prisonniers politiques Sahraouis et prisonniers de conscience de toutes les prisons marocaines. Certains ont commencé le 18 Mars 2010.
Mon frère a été envoyé en urgence à l’hôpital aujourd’hui, il avait déjà était hospitalisé en début de semaine. Sa santé est trop fragile, il est très faible.
Cela fait quatre ans qu’il est en prison maintenant, sans soin, mal nourri, maltraité par les gardiens. Il est seul dans une prison marocaine, dans une région où une autre langue est parlée, différente encore de celle que nous connaissons, celle des colons marocains dans notre pays.
Il est tellement loin qu’il est difficile à la famille ou aux amis de lui rendre visite.
Nous disons en Hassanya que ces terribles expériences font tomber les montagnes en ruine.
J’aimerais être en prison et lui en liberté. Je suis plus âgée et j’ai connu de bons moments dans la vie. Je serais d’accord pour être à sa place en prison.
Il est plus jeune et a déjà été emprisonné deux fois. Il a aussi été plusieurs fois détenu et torturé.
Il a perdu ses années d’école, les douces années de la jeunesse, sa santé, son développement vers la maturité.
Cela me tue de voir combien sa souffrance est infinie, et combien je ne peux rien faire.
Et malheureusement, mon frère n’est qu’un exemple parmi des centaines de Sahraouis qui souffrent dans les prisons marocaines et les prisons secrètes.
Rabab Amidane, le 20 avril 2010
APSO, le 20 avril 2010