Affichage des articles dont le libellé est inondations. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est inondations. Afficher tous les articles

dimanche 8 novembre 2015

Solubilité de l’espoir dans l’oubli ?



Nuena 40 ans après, même détermination
Ma sœur Sahraouie Nuena me l’a dit une nouvelle fois : « Ce que tu lis tu l’oublies, ce que tu entends tu l’oublies. Mais ce que tu vois, tu ne peux l’oublier ». Nuena est une spécialiste, défenseure des oubliés, oubliée elle-même.

Bien sûr je pourrais décrire les murs effondrés, les toits au sol, les vieilles tentes montées en toute hâte le long du camp de Smara, la moitié des habitations de banko d’Aousserd détruites, Dakhla redevenue sable à 80%. Bien sûr, je pourrais raconter une dizaine de jours passée avec ma famille d’accueil dans une petite serre à tomates de quatre mètres sur deux transformée en tente de poche, à quatre dont un jeune enfant malade et quelques centaines de mouches.
Mais qui pourra raconter les fêlures de ces êtres humains encore étonnamment debout, les fissures profondément inscrites dans leur vie d’exil, les blessures infligées par 40 années d’épreuves ?
Qu’on ne s’y trompe pas ; la luminosité dont certains font preuve passent aussi par ces failles dont ils sont lézardés :
Dounda, qui fait l’admiration de ses professeurs a donné sans compter à Fatma, sa petite sœur lourdement handicapée, plusieurs années de son adolescence et de sa scolarité. Cette année, brusquement, leur papa est mort. Cet homme dans la force de l’âge, en d’autres lieux, ne vous rendait qu’avec regret la main qu’il vous serrait, une fois prisonnière de la sienne. Je sais aujourd’hui qu’il y mettait l’intensité d’un pressentiment d’urgence. Du jour de sa mort, Fatma n’a plus ouvert la bouche, pour manger, pleurer ou sourire. Elle s’est laissé mourir une semaine après son père. Comme s’il avait usé d’une ultime grâce paternelle pour la délivrer et l’accueillir. Qui décèlera les fêlures sillonnant déjà la courte vie de Dounda ?
Douna et Fatma
Et Ghalia, dont le sourire peine à cacher la fatigue et l’anémie, prête à accoucher de son troisième enfant, elle qui déclarait adolescente ne pas vouloir donner vie dans ces camps où elle est née, qui dira la fragilité de ce qu’elle à finit d’accepter de construire ?
Et cette femme assise dans la poussière, pleurant sur, croyais-je, les gravats et ses maigres biens éparpillés autour d’elle et qui, nous l’apprîmes par une voisine, devenait folle d’avoir perdu sa fille… Quel homme, même s’arrogeant les pouvoirs d’un despote de Droit Divin pourra en réparer la brèche ?
Combien sont ils à se composer une façade digne et résistante face à l’usure du temps, à un assistanat déshumanisant, à l’injustice de l’application de leurs Droits. Combien sont ils encore à héberger l’espoir dans ce provisoire qu’ils finissent eux-mêmes par devenir ?

Ironie des mots et de l’histoire ! Les premiers responsables du Polisario voulurent détruire les quelques habitations en dur laissées par des bédoins de passage et que voulaient utiliser les nouveaux réfugiés arrivés en exil à Dakhla il y a 40 ans. La tente, symbole du provisoire, rappelait et devait rappeler chaque jour le retour espéré. Aujourd’hui, la plupart des responsables du Polisario habitent Tindouf… Ces dix dernières années les plus avisés analysaient que l’espoir d’un changement ne viendrait plus des camps mais des territoires occupés. Mais après l’Intifada, l’espoir écrasé de Gdeim Izik et l’emprisonnement de la relève générationnelle sahraouie à l’encontre de tous les Droits, seule la recherche de solutions familiales ou personnelles semble devenir prioritaire. L’espoir peut il survivre à un provisoire de quatre décennies ? S’éteindra t’il dans une sédentarisation rampante ?
Demain la quatrième génération vivra gratuitement mal dans ces camps, buvant coca-cola, mangeant PAM, fumant American Legend, en regardant des Soap Opera turcs et en se face-bouquant. Ils ne pouvaient pas espérer mieux que cette extinction annoncée, ceux qui vont fêter l’anniversaire des quarante ans de la trompeuse “marche verte”, paravent civil d’une invasion militaire, tout en omettant le rapport de la Cour Internationale de Justice du 15 octobre 1975 déboutant le Maroc de ses arguments de souveraineté sur le Sahara Occidental et autorisant le Peuple Sahraoui à faire valoir son droit à l’autodétermination.
J’ai vu les petits enfants des “enfants des nuages” jouer dans des lacs boueux et plus provisoires que leur avenir, ignorant qu’on leur avait volé une mer.
J’ai vu leurs grands parents ayant jadis suivi les bienfaits de la pluie dans leurs transhumances nomades faire des rigoles pour protéger des mêmes nuages cet exil honni.
J’ai vu grandir malgré leur “retard de croissance harmonieuse” les enfants sahraouis, je les ai vu jouer sans jouets, étudier sous les néons défaillants des camps, continuer d’apprendre dans d’autres pays pour… revenir faire des briques de sable. 
 
Ces vies difficilement construites, se soutenant solidairement je les vois fragiles et fissurées, dernier abri d’un espoir légitime, menacées de la pluie fine et persistante de notre oubli.

Jean-François Debargue, le 2 novembre 2015
Publié le 8 novembre par Apso avec l’autorisation de l’auteur.
Crédits Photos JFD

dimanche 1 novembre 2015

Quand réfugiés privés de terre, les Sahraouis perdent aussi leurs maisons



Du 16 au 27 octobre, il a plu au Sahara Occidental territoire libéré et dans les campements de réfugiés sahraouis (sud ouest algérien, à proximité de Tindouf). Une alternance de jours et nuits de pluies torrentielles et d’accalmie, sur une très vaste étendue couvrant une partie du Sahara Occidental libéré et les campements de réfugiés.

Les dégâts dans les campements de réfugiés sont importants, notamment dans la willaya de Dakhla. La grosse quantité d’eau tombée en peu de temps a glissé sur les salines, et constitué des lacs et rivières. Les maisons des réfugiés, les bâtiments de institutions, construites majoritairement en sable et situées à proximité ou dans les écoulements de l’eau sont tombées. Dans les prochaines semaines d’autres bâtis vont s’écrouler parce que l’eau a dissout les sédiments et qu’en séchant les murs vont redevenir sable fin.

La gestion de l’urgence s’est mise en place, de l’aide humanitaire est arrivée de différents pays, les ONG sur place ont exprimé leurs besoins supplémentaires auprès de leurs bailleurs habituels. Les équipes de traitement de l’eau ont tenu compte de la situation et la chloration a été augmentée. Il n’y a rien à faire d’autre que constater la prolifération excessive des mouches et moustiques.

En territoire libéré, toutes les constructions individuelles sont en sable donc fragiles, et sont tombées. La route menant des campements vers le territoire libéré a été coupée pendant une semaine, les problèmes de logistique ont augmenté la précarité des familles.

Les chiffres qui circulent entre les ONG et le croissant rouge sahraoui font état d’au moins 7000 familles ayant perdu leur maison, ce qui fait plus de 40 000 personnes…

La particularité des pluies de cette année, comparée aux épisodes de 1969, 1987, 1994 ou 2006, c’est que toutes les willayas ont été  touchées. Il n’y a pas eu de possibilité d’entraide inter willaya puisque tout le monde avait à faire chez soi. Il est probable que les dernières pluies de cette ampleur et durée remontent à 50 ou 60 ans dans la région.

Mais finalement le problème est-il la pluie ou la gestion d’un épisode extrême et long ?
Les infrastructures construites dans les campements de réfugiés ne sont pas destinées à résister à la pluie, au vent, à la canicule ou au gel… à des phénomènes climatiques majeurs durant plus de 2 jours.

Avec l’extension du temps du refuge, 40 ans cette année, tout a été développé sans planification ni cohésion, créant aujourd’hui une catastrophe dans la catastrophe. Dans les campements de réfugiés il n’y a pas de rues, pas de système d’égout, pas d’aménagement du territoire. Puisque la situation est celle d’un refuge, temporaire, cela n’a pas été jugé utile.

Quand arrive la catastrophe climatique comme actuellement, il reste le constat impuissant de l’absence de plan de gestion de l’urgence, pour la protection civile, l’organisation de la distribution alimentaire ou sanitaire, la communication… Les récentes constructions de route ont permis qu’aucune des willayas ne soit isolée. Mais ce réseau routier ne constituait pas une stratégie sinon une opportunité.

L’après catastrophe confronte, elle, à une problématique globale.
Que va-t-il falloir ajouter aux infrastructures pour résister à des situations similaires ? Des constructions en dur, des lieux de mise en sécurité individuels et collectifs ?
De telles constructions dans un plan d’aménagement du territoire, la formation de la population à la protection civile, à la communication d’urgence en situation déjà précaire, additionnées au coût de l’exil depuis 40 ans, cela finit par être incroyablement plus élevé que le coût de la solution de l’indépendance du peuple.

La question en suspens et qui est nouvelle aussi, c’est celle de la responsabilité dans la catastrophe actuelle et de qui va payer pour la mise en sécurité du peuple.
Le Polisario ne peut pas, l’ONU ne veut pas. Les ONGs et la société civile mondiale n’interviendront pas dans les jours qui viennent, d’abord à la recherche de fonds, ou ne pourront ou voudront pas.

Il faudrait de toute façon penser le modèle qui va être reconstruit après la pluie. Le plus pertinent serait de construire des infrastructures durables et permanentes, considérant que le peuple sahraoui n’y est que de passage, et qu’il laissera la place à d’autres. Le propriétaire de la terre peut faire ce choix.

Et pourtant, ce qui va surement se passer c’est quelque chose à cout zéro, rien ne se fera, hors le palliatif consommable immédiat. Cela produit une situation de plus en plus fragilisée, qui coute chaque fois potentiellement plus cher.

Le premier responsable spontanément désigné par le peuple est le gouvernement sahraoui, le front de libération, qui n’a que les moyens de la main d’œuvre et démontre ainsi ses limites et incapacité à réagir dans une telle situation. Il en sort affaibli, de même que le choix maintenu de la recherche pacifique au problème de la décolonisation du Sahara Occidental.

La catastrophe climatique a des conséquences politiques.
Quand le peu restant est perdu, que reste-t-il aux réfugiés, à un peuple plongé dans la boue, que l’urgence d’une solution qui est la récupération de leur terre légitime, le Sahara Occidental ?
Vaut-il mieux être noyé ici ou là-bas ? Être blessé par la chute d’un mur ou par une balle ennemie ?
Mourir dans la boue ou mourir debout ?

APSO, le 1er novembre 2015
Crédit photo CH

samedi 31 octobre 2015

Des nouvelles de l’équipe du ministère JS sahraoui à Rabouni et de ses locaux

Le bâtiment du ministère jeunesse et sports que d’entre vous connaissez à Rabouni a moyennement résisté à la pluie, malgré les efforts de l’équipe dès les premiers jours et nuits pour sortir et dévier l’eau.

Seuls la cuisine, le bureau en face de la grande salle et celui qui le touche aménagé à la place des sanitaires sont en ciment. L’eau entrée par les fuites dans le toit n’a pas entrainé de conséquence importante autre que la rouille des tôles. Le reste du ministère est construit en terre.
L’effet de telles pluies, intenses et sur une longue durée se fait sentir sur plusieurs semaines après l’épisode pluvieux. Des murs ont absorbé l’eau et sont tombés tout de suite, d’autres perdent leur cohésion en séchant et tombent alors.

Voila ci-dessous les constats des dégâts au 29 octobre. Les météorologues estiment que des épisodes de pluie sont à prévoir en début de semaine.

Globalement, l’électricité de la moitié du ministère est coupée, le modem internet a grillé. Les photocopieuses et autres imprimantes n’ont pas encore pu être testées. Toutes les boiseries ont gonflé, certaines portes ne peuvent plus être fermées. L’équipe n’a pas encore pu reprendre le travail administratif ni politique.

Dans la partie annexe des habitations, la pièce touchant la cuisine, salle de repos et de réserve alimentaire s’est écroulée à moitié, un pan de mur est tombé et la moitié du toit pend. Le reste va suivre, l’endroit est dangereux, interdit d’accès.
Dans la même zone, le mur du jardin et du patio de l’annexe (bureau privé du ministre derrière le bâtiment) sont tombés. Les chiens ont envahi et réussis à tuer 2 lapins de l’élevage du ministère qui s’y trouve.

Les pièces situées en face de la cuisine ont été très inondées et l’eau est restée, les murs sont très imprégnés. Elles sont en observation, personne n’entre.

Dans la partie des bureaux, ceux situés dans la contigüité, le bureau du ministre et le bureau administration ont été très inondés aussi.
Le bureau du ministre est le plus fragilisé, il y a de nombreuses lézardes. Tous les bas des murs sont boursouflés, un est troué. Il est passé par là « un petit oued ». L’odeur d’humidité est encore très forte. Si pour l’instant la pièce est encore debout, par sécurité, elle ne pourra plus faire office de bureau ni de salle de réunion, avant quelques mois en ait approuvé la solidité (ou non).

Le « toit » en canisse du patio central de la partie bureau est tombé, entre le mur du bureau administration dont le haut est cassé, et la première poutrelle. Le bandeau pend au dessus de l’entrée du bureau du ministre.

Pour le reste du bâtiment, le bureau du responsable « vacances en paix » Mohamed Fadel et les archives n’ont pas subi de dégâts visibles actuellement sur le bâti, mais l’inondation a détruit plus de la moitié des réserves de papier.
Pas de gros dégâts visibles non plus pour la grande salle de travail de l’équipe Vacances en paix. Les murs sont lézardés par le haut et le toit fuit.
Le bureau du sport présente de nombreuses taches de coulée d’eau sur le tissu double toit, mais ne semble pas touché pour les murs.

Au premier trimestre 2015, le Ministre Mohamed Mouloud avait imaginé et demandé de l’aide pour les plans de son bureau de travail sur pilotis posé au dessus du patio. Une ébauche de plan d’un espace en bois et verre pour la lumière, avec utilisation de matériaux de récupération pour l’isolation a été réalisée, ainsi qu’une maquette d’un mur.
La construction est bien évidement conditionnée aux financements… mais l’idée de pouvoir échapper ainsi aux tempêtes de sable, aux inondations, au froid et chaud était visionnaire. L’actualité de l’urgence remet le projet sur la table !

Résumé : le ministère manquait de salle de réunion, il va maintenant aussi manquer de bureau, l’équipe va bien.
APSO, 31 octobre 2015