Témoignage de Salek Saidi
Je suis né le 21/05/1986 à El Aaiun, au Sahara Occidental. Je suis citoyen Sahraoui.
Le 28.05.2006, j’étais avec des amis à la fête d’un mariage à El Aaiun. C’était vers 2h du matin.
Des drapeaux de la RASD (République Arabe Sahraouie Démocratique) ont été brandis dans la salle de la fête. Une voiture Prado de la police est arrivée et quelques jeunes ont fui la salle, d’autres sont montés sur la terrasse. Les policiers ont encerclé la maison.
Ils m'ont arrêté. Quand je leur ai dit que j’étais de la famille, ils m'ont laissé partir. Une voiture m’a suivi et une autre s’est arrêtée devant moi. Ils m'ont arrêté de nouveau et nous sommes retournés à la maison où ils ont arrêté mes trois amis qui étaient sur la terrasse. Ils nous ont conduit au commissariat de la rue de Smara. Là nous avons été maltraités et tabassés à notre arrivée et pendant l’enquête. Nous avons ensuite fini la nuit sans natte ni couverture.
Vers 8h30, nous avons été conduit dans les locaux de la police judiciaire, rue 24 Novembre. Ils nous ont mis dans une petite pièce, nous avons trouvé un secrétaire de la police judiciaire et un gardien des forces auxiliaires.
Ce dernier nous a informé que Aziz Anouch allait nous rejoindre pour nous enquêter. Ce policier est connu des Sahraouis pour sa grande brutalité.
Suite à ça, le nommé Mauloud Dayraa est entré dans la petite pièce et nous a crié des insultes, nous a intimidé. Il nous a harcelé. Puis il est sorti et nous a appelé l’un après l’autre et a poursuivi l’enquête en nous frappant et en nous insultant comme au commissariat. Après cette « enquête », nous sommes retournés dans la petite pièce.
Le policier Aziz Anouch et le commissaire Hamid Bahri sont alors venus nous rejoindre.
Aziz Anouch a ordonné à un de mes amis de s'allonger. Hamid Bahri lui a dit « laisse le, ce n est pas encore le moment ». Maulou Dayraa est entré aussi et il a ordonné : « ceux qui portent les jaquettes militaires, enlevez-les ».
C'étaient pour moi et mon ami. Nous les avons enlevées. Nous étions en tee shirt.
C'étaient pour moi et mon ami. Nous les avons enlevées. Nous étions en tee shirt.
Ils sont sortis et ils nous ont laissés dans la petite pièce jusqu’à ce que l’agent de police judiciaire Mauloud Dayraa m’appelle de dehors de la chambre. Quand je me suis sorti vers lui, il était debout et cachait quelque chose dans son dos. Bahri et Anouch étaient debout à ses côtés. Le Gardien des Forces Auxiliaires c’est mis debout pas loin d’eux. Il avait un mis un sceau d’eau devant lui. J’étais étonné vraiment, et je ne savais pas ce qu’ils faisaient comme ça.
Mauloud Dayraa m’a ordonné d'entrer une petite cour juste à côté de notre pièce et tout le monde m'a suivi. En entrant dans la cour Mauloud Dayraa a montré la bouteille pleine de carburant qu’il avait caché derrière son dos et m'a ordonné de m'allonger. Je lui ai demandé « pourquoi faire ». à ce moment Aziz Anouch s’est approché de moi, il m’a donné un coup de ciseau et je me suis tombé. Il m'a allongé et il a enlevé mes chaussures. Mauloud Dayraa, la bouteille toujours à la main, s'est approché de moi. Il a versé de l'essence sur moi de ma ceinture à mon cou. De l’essence est entrée dans mon oreille et j'ai tourné ma tête pour la faire couler, pour quelle sorte.
Mauloud Dayraa disait « tu ne veux pas nous indiquer où sont les drapeaux ! ». Je répondais que je ne savais pas. Anouch était accroupi juste côté de moi et Bahri était à ma droite. Devant moi il y avait Omar Kaissi, le chef de la police judiciaire, des membres des Gus, quelques hommes en civils et le gardien avec le seau.
Mauloud Dayraa disait « tu ne veux pas nous indiquer où sont les drapeaux ! ». Je répondais que je ne savais pas. Anouch était accroupi juste côté de moi et Bahri était à ma droite. Devant moi il y avait Omar Kaissi, le chef de la police judiciaire, des membres des Gus, quelques hommes en civils et le gardien avec le seau.
Aziz Anouch a pris son briquet et il m’a enflammé. Je brûlais. Je me suis levé, terrorisé, j’ai tourné la tête et j’ai vu le feu approcher de mon visage. J’ai commencé à courir en hurlant vers Bahri, et je lui ai pris les mains. Il m’a rejeté fortement et le gardien a jeté le seau d’eau sur moi. J’avais toujours le feu sur moi. J’ai couru en dehors de la cour en enlevant mon tricot. J’ai arraché ma peau qui est venue avec le tissu. Je suis entré dans le bureau où j'ai trouvé le secrétaire. Il a été effrayé de ce qu’il a vu et il est sorti en courant, puis les autres sont tous sortis.
Je suis tombé par terre et j’ai commencé à tourner sur le sol pour éteindre le feu pendant un temps très long.
Un homme avec un téléphone sans fil à la main est entré et il m'a demandé : « qu’est ce que tu as ? ». Je lui ai répondu : « mais tu vois bien, ils m’ont brûlé, appelle moi une ambulance ». Effectivement il a appelé l’ambulance et j’ai été conduit à l’hôpital vers 11h du même matin.
Ils m'ont posé dans une chambre tout seul. Un infirmier Sahraoui est venu m’apporter les premiers soins.
Il a mis sur mon corps un liquide qui a un peu refroidi et il m’a couvert de bandage. Des bandes normales, pas celle pour les brûlures. Il m’a mis une perfusion d’antidouleur. Et les douleurs se sont un peu calmées. Le médecin n’est pas venu.
Les policiers m'avaient laissé sans garde. Des Sahraouis sont entrés dans la chambre. Je leur ai demandé d'informer ma famille que j’étais à l'hôpital. L’un d’eux a pris des photos.
Les photos de moi ont été diffusées sur le champs sur tout les sites web Sahraouis et la police est venu encercler l'hôpital et ma chambre en particulier. Ils ont interdit qui que ce soit de s'approcher de ma chambre.
Vers 17h ma famille est venue me voir et ils lui ont interdit d’entrer dans ma chambre.
Pour protester j’ai enlevé la perfusion et je leur ai dit que je n’étais pas au commissariat et qu’ils ne pouvaient pas interdire à ma famille d’entrer.
Finalement ils les ont laissés entrer, et ils ont appelé l'infirmier pour me refaire la perfusion.
Vers 17h30, ils m’ont conduit à l'aéroport accompagné de mon oncle. À l'aéroport, j'ai trouvé des gendarmes qui ont fait une enquête concernant le fait. On nous a mis dans un hélicoptère. Avec moi il y avait mon oncle, l'infirmier et Bahri Hamid.
J’ai été hospitalisé à Casablanca pendant 28 jours à l’hôpital IBNO ROCHD.
J’étais brûlé au 3ème et 4ème degrés si j’ai bien compris, et je suis resté longtemps dans une chambre stérile. Mon oreille était brûlée et mon visage, mon dos, mes bras.
Mon père a déposé une plainte et il a chargé un avocat du barreau de Marrakech de suivre l’affaire. Depuis ce jour, nous n’avons aucune information, et rien n’est dit.
Le 21.05.2005 j'étais parmi les premiers prisonniers de l’Intifada. Nous faisions des manifestations pacifiques pour revendiquer le respect de notre droit à l’autodétermination et le départ des colonisateurs. J’ai comparu 4 fois devant le tribunal pendant les 32 jours que j’ai passé dans la prison locale de El Aaiun. Ils m’avaient laissé sortir avec un sursis d’un an, parce que j’étais très malade du fait d’une diarrhée aigue, et d’une sérieuse infection au pied parce que j’avais été battu avec un engin rouillé. J’ai toujours des séquelles au pied suite à cela. Après cela j’ai été à plusieurs reprises arrêté, torturé, sujet d’intimidation et de mauvais traitements. J’ai déposé plusieurs plaintes qui sont restées sans suite. Et après il y a eu cette arrestation quand ils m’ont brûlé.
Cela fait bientôt quatre ans.
J’ai toujours des problèmes à mon pied, l’infection revient régulièrement. Mais le plus dur, ce sont les séquelles de la brûlure. J’ai mal encore souvent, ou j’ai des sensations très désagréables.
Et surtout, j’ai peur, j’ai des angoisses, des cauchemars. Je suis très marqué par les cicatrices sur tout mon corps, mon visage, mon cou, mon oreille, ma tête, je ne peux pas les couvrir. C’est affreux pour moi.
Je continue à militer, et la police m’arrête régulièrement pendant les manifestations pacifiques, ou lorsque j’écris des slogans pour l’autodétermination sur les murs d’El Aaiun avec de la peinture. Je porte plainte à chaque fois contre ses arrestations injustes.
Des photos de Salec : http://asvdh.net/img/main.php?g2_itemId=148
APSO et ASVDH. Le 10 mai 2010.