lundi 25 janvier 2010

Ayoub, 15 ans, Sahraoui, les violences de la police marocaine


Mon nom est Ayoub Berkan.

Je suis un citoyen Sahraoui. Je suis né en 1995 à Smara au Sahara Occidental, j’ai 15 ans et je suis au collège.

Le 17 janvier 2010 vers 18h j’attendais un ami près de la maison de ma famille.

J’ai été surpris par l’arrivée vers moi d’une voiture 4x4, avec six policiers. C’est sur le Boulevard Maghreb arabe.

L'un d'eux est sorti de la voiture et m'a demandé si j'étais le frère de Mohammed Berkan, un étudiant Sahraoui incarcéré à la prison noire de El Aaiun depuis le 16 Septembre 2009. Il a été arrêté parce qu’il a participé aux manifestations pacifiques qui réclamaient l’autodétermination du peuple Sahraoui. J'ai répondu oui.

Ils m’ont montré un drapeau de la République Arabe Sahraouie Démocratique et demandé si je connaissais. J’ai répondu que oui, que c’est le drapeau de mon pays.

Alors ils m’ont fait entrer de force dans leur voiture.

J’ai été frappé par tous les policiers à coup de pied pendant le trajet depuis ma rue jusqu’à l’extérieur de la ville, à côté de l’oued Saguia El Hamra où j’ai été interrogé.

Ils m'ont demandé si je connaissais l'hymne national du Maroc. J’ai répondu que je ne le connaissais pas et que je ne voulais pas le savoir.

Et ils ont dit que c’était une provocation et un défi et ils m'ont giflé et m'ont frappé sur tout le corps.

Ils m'ont demandé si je connaissais des noms des membres de la famille royale au Maroc. Je leur  ai dit non, alors ils ont continué à me battre. J’ai été blessé au niveau à la bouche, et cela saignait beaucoup. 

Le chef de patrouille a ensuite donné l'ordre d'arrêter de me frapper.

L’un d’eux m'a demandé si je le connaissais.

J’ai répondu qu’il était dans le groupe qui avait arrêté mon frère, l’avait frappé violement et l'avait ensuite emmené à l'hôpital dans un très mauvais état.

Il m'a demandé pourquoi j’insultais la police.

Je lui ai dit que je ne l'avais pas encore fait mais que j’étais dans une humeur à le faire. Il m'a dit « ton frère est un criminel ».

Je lui ai répondu que si défendre son pays d'une manière civilisée et pacifique est un crime, alors je suis d’accord.

Ils m’ont libéré à environ sept heures et m’ont laissé dans le désert à côté de l’Oued Saguia el Hamra. Je n’étais pas bien du tout, et j’avais mal partout. Je suis rentrée chez moi à pied.

Au moment où ils m’ont enlevé, mon ami est allé prévenir ma mère.

Quand la patrouille est revenue sans moi, elle les a arrêtés et leur a demandé les raisons de mon enlèvement.

Le chef de patrouille a répondu que selon le discours du roi, ceux qui ne sont pas marocains doivent partir du Sahara, et donc qu’ils exécutaient les ordres.

Note 1, la surveillance :

Un car de police stationne continuellement à l’angle de la rue de la maison d’Ayoub, en surveillance de sa maison et de celle d’une autre famille de militant dont plusieurs jeunes sont prisonniers d’opinion. Un autre véhicule fait des rondes dans la zone en permanence. Selon les enfants et les jeunes, ce deuxième véhicule est dangereux. C’est cette équipe de policier qui les enlève, frappe, « interroge » violemment et les laisse dans le désert.

Note 2, Mohamed Berkan :

Berkan Mohamed, né en 1987, a été arrêté par la police marocaine jeudi 17 Septembre 2009, lors des manifestations pacifiques revendiquant l’autodétermination du peuple Sahraoui. Il avait été blessé lors de son arrestation.

Il a mené une grève de la faim du 5 octobre au 8 novembre 2009, pour protester contre les violences dont il était victime en prison, et les interdictions de téléphoner, de recevoir des visites de sa famille, de lire les journaux et d’écouter la radio. Il réclamait aussi le respect de son statut de prisonnier d’opinion, et à être séparé des détenus de droit commun.

Il a été condamné à une peine d’un an de prison pour sa participation à la manifestation, et pour sa position en faveur de l’autodétermination. Il a, depuis 2005, été plusieurs fois arrêté et torturé par les autorités marocaines, pour son action militante en faveur de l’autodétermination, et de l’indépendance du peuple Sahraoui.