mardi 23 novembre 2010

Pour le royaume, les Sahraouis ne seront jamais marocains


Les campements de Gdem Izik, de leur implantation à leur destruction ont démontré une double logique et leurs incompatibilités.
Le Maroc et son système vertical était aux prises avec un système horizontal sahraoui qui mettait en défaut la violence totalitaire.

Le Corcas, imposé par dahir royal, ou les Chioukhs, maintien artificiel du système tribal comme référence, ces vieux notables interlocuteurs officiellement admis, ne servent que le décorum de la représentation que tente de donner le Maroc aux faux crédules internationaux.
Quand il a fallu prendre des décisions, le gouvernement marocain a fait pression, menacé les membres du Corcas, les Chioukhs, qui eux ont buté sur les discussions, les votes et prises de décisions collectives des sahraouis organisés dans le campements.
Les coordinateurs des campements de Gdem Izik avaient de même écouté poliment les promesses et menaces du ministre marocain et autres officiels, puis les avaient rapportés aux campements pour en discuter avec tous. Les photos des réunions montrent les mains levées des prises de décisions collectives.

Après avoir échoué dans sa tentative de dominer les Sahraouis, de « prendre leur cœur », le royaume du Maroc en dérive tente de résoudre le problème en provoquant une guerre des peuples, armant les colons marocains contre les Sahraouis.
Les combats du 8 novembre ont montré cette dissymétrie d’objectifs et d’idéologies. Les colons marocains ont attaqué les biens privés des Sahraouis, quand ceux-ci attaquaient les symboles de la monarchie et de l’occupation.

Les Sahraouis en territoires occupés ont fait chacun leurs choix. Certains sont persuadés du bon droit de leur revendication à l’autodétermination et de son caractère incontournable, d’autres sont sympathisants du gouvernement comme les Chioukhs, d’autres sont traîtres, engagés dans la police marocaine au point de pouvoir torturer les leurs, d’autres sont des ralliés.
D’autres encore n’ont eu d’autre choix que de s’exiler ou se cacher pour pouvoir échapper aux violences policières.
Les ralliés, dont le Maroc annonce régulièrement des nombres grandissant, sont sensés être des Sahraouis venant des campements de réfugiés et ayant renoncé à leur identité pour bénéficier d’une allocation minimale de survie, prix de leur allégeance. Parmi ceux, beaucoup de Mauritaniens très pauvres sont devenus Sahraouis par appât du gain.

Quand les Sahraouis sortaient des villes pour installer les campements, le 8 octobre, des ralliés manifestaient pour l’amélioration de leurs conditions. L’attaque par la police marocaine en avait laissés de nombreux blessés. Le 30 juin déjà le système s’effritait, et les ralliés revendiquaient que soient tenues les promesses du gouvernement, le prix que tous touchaient, mais qu’alors il n’était plus question de respecter. « Ils réclament pour chacun, une maison, la gratuité de l’eau et l’électricité à vie, un salaire de fonctionnaire et exigent des provisions et des produits alimentaires tous les quinze jours» rapportait la presse marocaine. Voir sur
Apso info
Un Sahraoui utile est celui qui accepte les manipulations, « mû par de bonnes intentions » selon le Corcas.

En vérité pour le Maroc, quand les masques tombent, tous les Sahraouis sont Sahraouis, quels que soient leurs uniformes, leur grade ou rôle ! On a pu lire que la maison du président du Corcas avait été attaquée par les colons marocains. Ralliés, sympathisants sahraouis ont été frappés, torturés, sont emprisonnés. Certains ralliés loin de leur familles ont disparu et l’on apprendra probablement que certains sont morts.

Les faits sont là. Un Sahraoui le restera toujours au regard du gouvernement marocain, être discriminé, proie du racisme ou de l’instrumentalisation. Devant l’évidence, certains Sahraouis qui soutenaient les thèses marocaines sur le Sahara, se sentent trahis. Ils ont vu et contredisent la version marocaine de l’attaque des campements et des sahraouis dans El Aaiun, comme le fait la Sahraouie député marocaine Gejmouna Ebbi.
Voir vidéo traduite ici.
Pour elle, depuis début octobre, puis après les violences marocaines à El Aaiun du 8 novembre, tous les sahraouis sont devenus suspects aux yeux du gouvernement marocain. Et l’acception « suspect » au Maroc est très proche de « coupable à torturer » ou pire.

Alors devant l’impasse du système Corcas, du système Chioukh, les Marocains mettent en scène pour la délégation américaine présente sur place une réunion (dimanche) au palais des congrès d’El Aaiun tentant encore une fois d’opposer vieux et jeunes Sahraouis, pour parler des problèmes rencontrés par la population sahraouie, comme si de rien n’était.

Et pourtant, une grande proportion de sahraouis étant soit cachés, soit disparus, soit emprisonnés la bouffonnerie tragi/comique va manquer de protagonistes…

Le Maroc va assurément devoir utiliser le roi comme deus ex machina et inventer une grâce de ce dernier pour dégorger les prisons de tous les Sahraouis qui viennent d’y être incarcérés sans jugements. Il faut encore une fois tenter de redonner de la crédibilité à la farce de la démocratie, ne serait-ce que pour la première dupe démagogique, la France.

Il est probable cependant que le divorce soit consommé entre tous les Sahraouis et le gouvernement marocain. Ils doivent être rares ceux qui croient encore à la bienveillance d’une autonomie des Sahraouis, du Sahara Occidental, sous le régime marocain.

Apso, 22 novembre 2010
d'autres photos : apsophotos

Note :
CORCAS : Conseil Royal Consultatif des Affaires Sahariennes
Chioukh : chef d’une tribu sahraouie. Fonction utilisée par les marocains, obsolète dans l’organisation des sahraouis se reconnaissant dans la RASD. (République Arabe Sahraouie Démocratique)