Après
des années d'immobilisme au cours desquelles chacun claironnait sa victoire sur
des avancées insignifiantes pour se persuader, côté Sahraoui, que l'espoir est
encore possible, les choses vont-elles enfin bouger ?
L'amertume
du temps qui passe, 40 années d'exil, la situation de la population Sahraouie
des Territoires Occupés, les disparitions forcées, l'enfermement et la torture
des prisonniers politiques, les graves inondations d'octobre ou la dégradation
des conditions de survie dans les camps n’ont pas permis d'émouvoir une opinion
indifférente ou maintenant préoccupée par sa seule sécurité.
Si
une solution devait enfin naître, il semblerait que ce soit de la dégradation
des relations entre le Maroc et l'ONU. L'émissaire du Secrétaire Général, puis
le Secrétaire Général lui-même, et enfin les membres de la mission de l'ONU au
Sahara ont tour à tour été déclarés "personna non
grata" ou expulsés par le pouvoir marocain.
Mis
devant le fait accompli de ne plus pouvoir négocier, - si négociation il y
avait - l'occasion est aujourd’hui donnée au Polisario, de
choisir d’agir pour chercher une solution sans l’ONU, et l’une des action
pourrait être de reprendre les armes dont la menace
régulièrement brandie trouve aujourd'hui un écho particulier.
Si
le Polisario tergiverse et laisse l'ONU faiblir une fois de plus devant le
Maroc pour revenir avec encore moins de pouvoir - rappelons que la Minurso est
déjà la seule mission contemporaine de l'ONU qui ne soit pas mandatée pour
juger du respect des Droits Humains - alors la situation continuera de
s'éterniser, profitant au colonisateur.
En soutenant le Maroc dans son coup de force contre les Nations Unies,
la France et l’Arabie Saoudite contribuent à mettre la région en danger. Il est
vrai que ces apprentis sorciers ont de l’expérience…
Il
s'agit sans doute là d'une des toutes dernières chances des Sahraouis. La
situation est inédite et dans leur précarité on peut penser que les Sahraouis
n'ont malheureusement plus rien à perdre.
En
effet, depuis plus de 25 ans, le champ des négociations n’a pas donné la
moindre récolte et même ceux qui avaient soutenu cette forme d’espoir
confessent que leur plus grande erreur fut d’avoir signé le cessez-le-feu en
1991, suite à la promesse, 25 fois dite, 25 fois oubliée, qu’un referendum
serait organisé dans les neuf mois suivants.
Qui
pourra reprocher aux Sahraouis de renoncer à leur patience et leur non-violence
après avoir été floués par l’échange d’un référendum promis contre un quart de
siècle de négociations infructueuses et d’assistanat humanitaire ?
Qui
pourra leur reprocher de vouloir mourir les armes à la main plutôt que de
mourir dans les camps, la main tendue ? ou de mourir sous la torture en
territoires occupés ?
Cette
phrase de Boualem Sansal dans son livre « 2084 », s'appliquera-t’elle
aux Sahraouis ?
"
Dans le provisoire qui dure, il y a une leçon : l'important n'est plus le but,
mais la halte, fut elle précaire. Elle offre repos et sécurité, et ce faisant
elle dit l'intelligence pratique de l'Appareil ".
La
halte n’a que trop duré. Elle touche les enfants de parents eux-mêmes nés dans
les camps. Elle offrit certes repos et sécurité après l’exode de 1975.
Aujourd’hui
elle n’offre aux générations nées de cette halte qu’une unique forme de repos et
de sécurité : la mort dans l’oubli…
Jean-François
Debargue
6 avril 2016