La journée internationale du prisonnier politique a été l'occasion pour la ville de Grigny d'accueillir ce 17 avril 2013, l'organisation d'une réunion de témoignages et information sur le sujet. Pour cette fois, ce sont les situations de prisonniers politiques palestiniens, kurdes, américains, cubains et sahraouis, qui ont été exposés et pour ces derniers par l'intermédiaire de l'association APSO, Amis du Peuple du Sahara Occidental.
Si les horreurs infligés aux hommes par leurs frères, seulement parce qu'ils n'ont pas les mêmes opinions, convictions ou sentiments d'identité sont hélas similaires dans le monde entier, la particularité des Sahraouis c'est qu'en France, très peu de personnes connaissent jusqu'à leur existence.
Les Sahraouis constituent un peuple dont le pays, le Sahara Occidental, situé entre le Maroc à son nord et la Mauritanie à son Sud et Est, est partiellement occupé par son voisin le Maroc.
Si certains Sahraouis ont fui lors de l'invasion militaire de leur pays en 1975 et vivent depuis cette date dans des campements de réfugiés dans le désert du sud-ouest algérien, les autres sont restés dans la partie encore occupée aujourd'hui.
Le Sahara Occidental, ancienne colonie espagnole, est la dernière colonie d'Afrique, une histoire qui tarde à se résoudre et qui, quand on en découvre l'existence, heurte par l'ampleur de la dignité de ce peuple dans sa souffrance quotidienne - des deux côtés du mur et de son tapis de mines antipersonnel qui balafre leur pays -, mais aussi par l'étendu de notre ignorance.
C'est dans la partie à l'ouest du mur, la partie occupée par le Maroc que les Sahraouis qui revendiquent pacifiquement leur identité, ou simplement l'affirme, démontrent la légitimité de leur cause selon le droit international, sont oppressés, réprimés, torturés, emprisonnés abusivement, disparaissent ou sont assassinés.
Les prisonniers politiques sahraouis sont d'un nombre variable, qui ne diminue jamais. D'une à plusieurs centaines, ce nombre enfle énormément et se dégonfle ensuite au bout de quelques années au rythme des événements qui marquent la résistance pacifique des Sahraouis.
On pourrait presque dire que les peines de première intimidation, premier avertissement de la part du régime marocain sont de 8 mois, puis selon l'âge viennent 2, 4, 10 années... Et quand le Sahraoui - militant pour le respect des droits de son peuple, journaliste, ou bavard - persiste et qu'il acquiert de la notoriété internationale, alors, comme cela s'est passé récemment pour le groupe dit de "Gdaim Izik", le tribunal militaire marocain condamne des civils à des peines allant jusqu'à la réclusion à perpétuité. Les chefs d'accusation, faits, preuves, circonstances, présences ou nom du prévenus sur le lieu des faits instrumentalisés pour l'occasion n'ont aucun importante.
Pour les besoins de l'illustration ou de la précision, nous ciblons certain ici, mais tous les prisonniers politiques sahraouis sont de trop, chacun, hommes, femmes, mineurs, tout jeune ou anciens, avec leurs histoires particulières de courage et de douleur.
Les dernières vagues d'inhumanité policière massive, arrestations et emprisonnements de jeunes hommes raflés arbitrairement dans leur maison, l'ont été suite à la grande manifestation d'octobre 2010. Le premier soulèvement de ce que l'on a appelé le printemps arabe. 20 000 sahraouis sont sortis de la ville occupée de El Aaiun pour planter la tente et y vivre, en signe de protestation contre leur marginalisation constante par le Maroc. Ce campement de Gdaim Izik a été attaqué au bout d'un mois par toutes les instances sécuritaires marocaines. Leur but était de tout détruire, ce qu'ils ont fait. Ils ont attaqué avant l'aube du 8 novembre 2010 des tentes où dormaient les femmes, enfants, vieillards...
De la pagaille qui a suivi et les scènes de guerre civile qui ont éclaté dans la ville d'El Aaiun, les rafles sur les jeunes sahraouis, violences, tortures, il reste 21 Sahraouis en prison militaire, punis de peines allant de 20 ans à la perpétuité. Trois autres, emprisonnés avec le groupe pendant plus de 2 ans sans jugement ont été mis dehors. Ils étaient dans un états de délabrement physique et psychologique trop important... Et un autre condamné, actuellement en exil en Espagne, qui n'a jamais été enfermé avec ce groupe par les marocains, est pourtant condamné à perpétuité.
On pourrait détailler les horreurs des tortures et viols...
Mais en l'occurrence on peut aussi, sans complaisance, regarder les choses sous un autre angle. Cette bataille énergivore pour dénoncer les violences faites aux hommes prend du temps aux Sahraouis et à leur amis, et finalement constitue un écran, un voile maculé de sang devant nos yeux comme fascinés par tant de cruauté.
Et derrière le voile, il y a ce que permet le temps :
- la poursuite de l'exploitation des ressources naturelles du Sahara Occidental occupé par les entreprises appartenant au roi du Maroc ou à ses amis, ou généraux, à des français aussi, dont les entreprises Idyl et Azura inondent la France de tomates dites provenir du Maroc, alors qu’elles poussent au sud du Sahara Occidental
- entre démagogie et duperie, l’injection massive de financements européens au Maroc, pour des accords – pêche ou agricole - qui couvrent aussi le Sahara Occidental en toute illégalité, ou pour une prétendue chasse à l’immigration subsaharienne… Pour du libre échange économique, et bientôt de services qui vont encore enrichir les gros requins et paupériser le sort du peuple marocain, et par ricochet, sahraoui en territoires occupés.
L’autre angle c’est la responsabilité de la France dans le blocage de la situation. Parce que la France oublie ses valeurs et se compromet à soutenir le Maroc dans ses exactions, pousse à la signature des accords UE-Maroc, bloque la possibilité que la mission de l’ONU chargée de la résolution du conflit puisse surveiller le respect des droits de l’homme, et déclencher une réelle protection des civils sahraouis.
La France s’autorise encore en ce mois d’avril par la bouche de son Ministre des affaires étrangères des phrases aussi alambiquées qu’improbables, l’expression des impossibles : « le Maroc, qui a proposé // un plan d'autonomie, que la France considère comme base sérieuse et crédible pour une solution négociée », et « le Président de la République a rappelé que c'était l'organisation des Nations unies qui menait la médiation ». Et puis à la limite de la falaise « Seul le dialogue peut permettre de parvenir à une solution politique réaliste, juste, durable et mutuellement agréée ». Se prendre les pieds dans le tapis, s’ étaler… c’est ridicule quand ce n’est pas grave, et le ridicule le tue pas … Cela s’est avéré tristement vrai quand la France avait proposé à Ben Ali de lui envoyer des renforts militaires, à deux doigts de sa chute fracassante de dictateur patenté.
APSO, le 18 avril 2013