mardi 19 avril 2011

Maigre bakchich : la libération de 3 prisonniers politiques sahraouis


Brahim Dahan, Ahmed Naciri et Ali Salem Tamek sont sortis de la prison de Salé il y a 5 jours. Ils sont sahraouis et éminents défenseurs des droits de l’homme.
Depuis le 8 novembre 2009, ils étaient détenus dans les prisons marocaines, le colonisateur du Sahara Occidental, leur pays.
La cause de leur arrestation ? Une visite à leurs familles dans les campements de réfugiés sahraouis dans le sud ouest algérien. Après un an de privation de liberté, la réponse de la cour martiale dont ils étaient censés relever pour cet acte d’intelligence avec l’ennemi ? Nous ne sommes pas compétent…
Et pourtant, ils ont finalement passé 18 mois en prison sans raison, sans jugement, sans billet retour… avec torture, avec déchainement de la presse marocaine, avec risque d’exécution, avec 42 jours d’une grève de la faim pathogène et inutile.

Et pourtant aussi et en vrac :
- l’ONU s’est insurgée de ce que les familles sahraouies étaient séparées depuis plus de 35 ans pour certaines, et tente de mettre en place un programme de visites familiales
- il est interdit d’enfermer quelqu’un pour ses opinions
- le Sahara Occidental est un Territoire Non Autonome, une colonie, les règles internationales imposées au colonisateur sont strictes et précises
- le Maroc est une démocratie

Le Maroc vient d’annoncer la grâce royale pour 190 détenus politiques, dont des islamistes et des sahraouis. L’escroquerie se poursuit. Seul 90 vont sortir tout de suite, et parmi ceux la, il ne restait à certains que quelques mois avant la fin de la peine.

Effet d’annonce pour les dupes, écran de fumée nauséabond quand le conseil de sécurité de l’ONU doit se prononcer dans les jours à venir pour le renouvellement du mandat de la Minurso, sa mission au Sahara Occidental.
Cette mission, chargée de mettre en place le référendum d’autodétermination par lequel les colonisés devront se prononcer pour leur rattachement au colonisateur ou pour leur indépendance, ne fait pas sont travail depuis 20 ans. http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=25064&Cr=Sahara&Cr1=
C’est aussi la seule mission onusienne qui n’a pas le mandat de surveillance des droits de l’homme, parce que la France, pays des droits de l’homme menace d’user de son veto pour empêcher que ce mécanisme soit adjoint.

Et pourtant les rapports se multiplient, ONG sahraouis, marocaines, internationales, attestent encore et toujours des violations quotidiennes des droits humains des sahraouis vivant sous occupation marocaine.
Dans le nouveau bras de fer qui s’engage - alors que le secrétaire général des nations unies n’a pu passer sous silence que les agents de sa force ont assisté impuissants et entravés aux violences sur les civils, qui ont accompagné et suivi le démantèlement du camps de Gdem izik - c’est encore l’influence française qui pousse à une hypocrite ersatz de mesure.

Quand les dirigeants français s’impliquent à ce point pour empêcher toute avancée vers la résolution d’un conflit de décolonisation, quand ils nous isolent complètement sur la scène internationale par une attitude aberrante… Quelle peut bien être la forme de leur intérêt personnel ?
Surtout si l’on ajoute que le Maroc exploite à son grand profit et en toute illégalité les ressources naturelles du Sahara Occidental, et que la France, toujours elle, soutient l’accord de pêche UE Maroc, illégal lui aussi parce que les navires de l’UE pêchent dans les eaux sahraouies.

Brahim Dahan, Ahmed Naciri et Ali Salem Tamek sont enfin libérés, mais des centaines d’autres sahraouis sont encore emprisonnés pour leurs opinions, et nous, français, ne pouvons tolérer encore la mise à mort sur l’autel de l’hypocrisie des valeurs qui fondent notre fier héritage identitaire.

APSO, 19 avril 2011


vendredi 8 avril 2011

Sahara Occidental : Juppé n’est pas informé


Le 30 mars 2011, le ministre français des affaires étrangères s’est prononcé sur la situation politique de nombreux pays du Maghreb et plus particulièrement sur celle du Maroc, partenaire privilégié de la politique étrangère de la France.

En novembre dernier, le parlementaire Jean-Paul Lecoq était intervenu à propos du Sahara Occidental après les événements qui ont suivi le démantèlement du campement de Gdeim Izik, véritable soulèvement de la population sahraouie, réprimé sans commune mesure par les autorités marocaines.

Alain Juppé vient de marquer sa position sur la question :
"M.Lecoq a évoqué avec beaucoup de sévérité ce qui se passe au Maroc. Je ne connais aucun rapport d’aucune ONG internationale sérieuse qui ait fait état de violations des droits de l’homme au Sahara occidental telles qu’il les a présentées."

Par ONG sérieuses, le ministre français des affaires étrangères exclut sans aucun doute les rapports des ONG sahraouies tels celui de l'
ASVDH, celui du CODESA et celui du CODAPSO. Rapports selon lui sans doute trop partiaux car écrits par des Sahraouis eux-mêmes, alors qu'ils réunissent les critères de rigueur et d’objectivité des rapports de droit de l’homme agréés. Ces organisations citent un nombre très impressionnant de témoignages sur les arrestations, tortures et autres violences policières commises à l'encontre de citoyens sahraouis par les autorités marocaines.

Pour affirmer cela, notre ministre des affaires étrangères ne doit pas avoir eu accès aux rapports d'ONG plus "sérieuses" telles qu'Amnesty International, Human Rights Watch ou le Centre Robert F. Kennedy pour les Droits de l'Homme. Car si Monsieur Juppé taxe de « sévère » le jugement sur le Maroc en l’état de ses connaissances partielles, peut-être changerait-il d’avis s’il était bien renseigné.

En effet, le
rapport d'Amnesty International mentionne lui que "de nombreux Sahraouis ont été arrêtés et frappés ou soumis à des actes de torture ou autres mauvais traitements" mais aussi que : "tous les Sahraouis interviewés par Amnesty international ont décrit la façon dont ils ont été battus, torturés ou les mauvais traitements qui leur ont été infligés au moment de leur arrestation ou lors de leur garde à vue par les autorités marocaines ; la plupart d'entre eux avaient des cicatrices et des blessures visibles à l'appui de leur témoignage. Malgré cela, les autorités marocaines n'ont pris aucune mesure pour enquêter sur les allégations de torture et autres mauvais traitements comme le prévoient la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auxquels le Maroc est État partie."

Human Rights Watch rapporte pour sa part : "Human Rights a interrogé sept Sahraouis détenus suite aux violences du 8 novembre puis libérés. Tous ont affirmé que la police ou les gendarmes les avaient maltraités en détention, les passant même à tabac dans certains cas jusqu'à ce qu'ils perdent conscience, leur jetant de l'urine dessus, et les menaçant de viol. Les avocats représentant ceux restant en détention ont raconté à Human Rights Watch qu'au moins l'un des détenus avait déclaré à un juge d'instruction qu'il avait été violé en détention, tandis que nombre d'autres ont indiqué au juge d'instruction et au procureur des passages à tabac et autres abus qu'ils auraient endurés en détention. Les témoins interrogés par Human Rights Watch présentaient de graves contusions et d'autres blessures récentes suggérant qu'ils avaient été passés à tabac en détention." L'ONG mentionne aussi le fait que l'un des chercheur de Human Rights Watch a lui aussi subit des violences de la part des autorités marocaines.

Le
Centre Robert F. Kennedy pour les Droits Humains note à propos des mêmes évènements les arrestations arbitraires, les violences policières, l'usage de la torture, le saccage des maisons des Sahraouis.

Il est question là d’un regain de violence et de terreur sur les sahraouis vivant dans leur pays occupé, violences psychologiques et physiques, interdiction de s’exprimer, de circuler, tortures, menaces de viol, viol sur les hommes et les femmes…

Seule une présomption d’ignorance de la part de notre ministre français des affaires étrangères pourrait atténuer le ridicule de sa déclaration quand il affirme que "de nouvelles mesures viennent d’être prises par le gouvernement marocain pour assurer un suivi du respect des droits de l’homme sur ce territoire".
Ce fait est pourtant contredit aujourd’hui par toutes les ONG travaillant au Maroc, quand les manifestations presque quotidiennes sont encore et toujours réprimées par les forces policières et militaires marocaines , à Casablanca, Rabat, Marrakech, Kenitra, Mohammedia, Tétouan, Khouribga...

Sur le Sahara Occidental, Alain Juppé va plus loin en déclarant dans cette même intervention que "le Maroc a fait des efforts considérables, en proposant notamment un statut d’autonomie qui lui permet de se diriger vers ce que souhaitent les Nations unies."

Ce « plan d’autonomie », vieil artifice sémantique destiné à maintenir le statu quo de la situation et la poursuite du pillage des ressources naturelles du Territoire Non Autonome par son colonisateur marocain, est une proposition impossible. L’autonomie n’est pas indépendance, et le principe que tente d’imposer la Maroc avec son complice français va à l'encontre du Droit International et de l’obligation conventionnelle des Nations Unies d'organiser un référendum pour l'autodétermination du Sahara Occidental.

A ce propos, le mandat de la MINURSO, Mission des Nations Unies pour le Référendum du Sahara Occidental doit prochainement être renouvelé. Cette mission présente sur place depuis maintenant 20 ans est la seule mission de maintien de la paix des Nations Unies qui ne possède pas de mandat de surveillance des Droits de l'Homme.
Cette surveillance est pourtant demandé depuis de nombreuses années et les ONG "sérieuses" insistent toutes sur la nécessité d'un tel mandat au Sahara Occidental.
Or depuis que cette question de l’élargissement du mandat de la Minurso est fortement à l’ordre du jour du conseil de sécurité, chaque année le processus est bloqué par l'utilisation de la France de son pouvoir de veto au Conseil de Sécurité.

En 2011, la surveillance des Droits Humains au Sahara Occidental doit être une priorité afin de protéger des populations civiles à la merci des forces armées du pays occupant.

Combien de temps la France va t elle soutenir le régime marocain et son occupation illégale du Sahara Occidental ?

Combien de temps encore la France va t elle mentir aux citoyens français, marocains et sahraouis sur de la situation des Droits de l'Homme sur place, pour protéger un régime qui continue son oppression sur les protestations pacifiques qui durent depuis des années?

Monsieur Juppé, nous, citoyens français, citoyens sahraouis, défenseurs des Droits Humains et militants pour le respect du Droit International, nous refusons de tolérer vos propos et vos prises de positions.
Elles n’engagent en aucun cas le peuple français car elles vont à l'encontre des valeurs que nous défendons.

APSO, le 7 avril 2011.