vendredi 26 juin 2015

Grève de la faim d’une mère sahraouie pour la vérité sur la mort de son fils

Du 15 mai au 20 juin 2015, Mm. Tekber Haddi  a fait grève de la faim devant le consulat du Maroc à Las Palmas dans les Îles Canaries.
Mm Tekber Haddi est sahraouie, et mère de Mohamed Lamin Haidala, né en 1994, décédé le 8 février dernier des suites des blessures reçues lors d'une attaque de marocains contre lui à El Aaiun et après 8 jours de grande souffrance et détresse. Si Mm Haddi habite à Las Palmas, son grand fils vivait lui à El Aaiun.

Mm Haddi a fait grève de la faim parce qu'elle veut faire entendre qu'elle n'est pas d'accord - et ne l'a jamais été - avec l'inhumation forcée du corps de son fils, confisqué par les autorités marocaines. Elle veut savoir de quoi il est mort, qui en sont les responsables et comment ils vont être punis. Elle a fait la grève de la faim parce que tous les recours qu'elle a tentés auprès des autorités marocaines pendant 3 mois n'ont abouti à rien, et qu'elle a fait de sa vie le prix de la vérité sur la mort de son fils.

35 jours, et son corps trop affaibli et souffrant lui a fait céder, elle a dû être hospitalisée. Elle a recommencé à se sustenter alors que le gouvernement marocain, lui, n'a cédé en rien.

Selon l'information publiée le 12 février dernier par l'Équipe Média, une organisation de journalistes sahraouis des territoires occupés du Sahara Occidental, il apparaît qu'après l'attaque par les Marocains, ni la police marocaine ni les soignants des urgences de l'hôpital de El Aaiun n'ont pas pris la mesure de la gravité des blessures de Med Lamin Haidala et du danger pour sa vie. Ils ne lui ont pas apporté l'assistance nécessaire. Il semble que les responsabilités soient multiples jusqu'à la mort du jeune.
Et c'est pour cela que le 12 février et les mois suivants, après la mort de son fils, Mm Haddi avait porté plainte auprès du procureur du roi contre les 5 agresseurs, la police, le médecin urgentiste, et demandé que tous les documents médicaux concernant la prise en charge de son fils lui soient remis. Seuls deux agresseurs ont été arrêtés et sont toujours emprisonnés selon les chefs d’accusation inchangés depuis le 5 février de « … blessures par arme… », pas de mention semble-t-il de la mort qu’a entraîné la blessure, qu’il y ait eu intension de la donner ou non.

Colonie espagnole jusqu'en 1975, le Sahara Occidental actuellement une colonie marocaine, occupé militairement sur les trois quart de sa surface, à l'ouest du mur qui le coupe en deux. Depuis 40 ans, la République Sahraouie et une partie du peuple est en exil dans des campements de réfugiés, situés sur la terre algérienne, prés de Tindouf (sud ouest). Dans la partie occupé, les Sahraouis sont discriminés dans tous les droits et fonctionnement de la société. Justice, santé, éducation, accès au travail, à la terre... sont à 2 niveaux. Les violences des colons et des policiers marocains sur les Sahraouis bénéficient d'une large impunité.

De nombreux individus et organisations dans le monde soutiennent la lutte de Mm Haddi, et plus particulièrement en Espagne. En France, l'Afaspa a appelé le gouvernement à intervenir auprès du régime marocain avec lequel il entretient des relations particulières. La CNT a affirmé sa solidarité avec la mère.
Actuellement, après son hospitalisation, Mm Haddi est à Genève pour se faire entendre des instances des droits de l'Homme. Elle dit vouloir reprendre sa grève de la faim dès que possible.
En attendant une grève de la faim symbolique et internationale continue, chaque volontaire assumant 24h de jeûne.

Quand, au bout du désespoir, il ne reste plus que sa vie à mettre en jeu face aux injustices insupportables, comme celle-ci semble bien fragile...

APSO, le 26 juin 2015

lundi 15 juin 2015

L’indifférence du sable


Le 27 mai 2015, Germaine Tillion, Geneviève De Gaulle Antonioz, Jean Zay et Pierre Brossolette, figures de la résistance de la 2ème guerre mondiale sont entrés au Panthéon. Volonté des familles, dans le cercueil des deux femmes, du sable.


L’indifférence du sable

Devant des cercueils emplis de sable, un homme exhorte à « résister face à l’indifférence ».

En mal de reconnaissance et de postérité, ce n’est pas la première fois, ni la dernière que des hommes d’Etat prennent en otages et s’identifient par procuration à ces hommes et ces femmes héroïques s’étant dressés contre l’ordre établi et les majorités silencieuses, principaux leviers de gouvernance de ces mêmes hommes d’Etat.

Reconnaître implicitement un courage qui leur fait défaut, est-ce un aveu d’impuissance ou le salvateur sursaut d’un vouloir mieux faire ?

Honorer ceux qui ont témoigné et se sont engagés en résistance, pour la liberté au risque de leur sécurité, et à contre courant pour les « oubliés, les exploités, les déportés », est ce associer leur histoire à l’Histoire d’une république digne qui en retiendrait et en appliquerait  les leçons ? Ou est-ce la « javellisation » d’une poursuite de collaboration pragmatique avec des dictatures traditionnelles ou plus modernes comme celles des multinationales ou de la finance ?

Le sable devant lequel un homme s’incline, c’est aujourd’hui celui des plages ou des fonds marins que rejoindront des exilés tous autant entassés sur des bateaux de fortune que ceux qui l’étaient dans des wagons plombés.

Le sable devant lequel un homme s’incline, c’est aujourd’hui celui des bas-côtés où s’enlisent les laissés pour compte de toutes les sociétés.

Le sable devant lequel cet homme s’incline, c’est celui de ce sablier géant Saharien où survivent depuis 40 ans les réfugiés Sahraouis auxquels, entre autres, le pays de cet homme refuse l’accès à la décolonisation.  Ce sable, c’est celui des fosses communes des portés disparus, des cimetières à ciel ouvert de déserts traversés dans l’espoir d’accéder à ce pays où l’on porte en les honorant au Panthéon des cercueils qu’il contribue à remplir. 

Comment le sable des réfugiés, des naufragés, des exclus, finit-il de lester cette tombe de notre histoire collective ?

Je veux croire que l’exemple héroïque et la mémoire de ces hommes et de ces femmes de l’ombre supplantera demain le retour lâche et amnésique de la raison d’État. Comme je veux croire que des milliers d’hommes et de femmes de l’ombre ne continueront pas de disparaître dans l’indifférence des sables.

Jean-François Debargue
28 mai 2015
Publié par APSO avec l'autorisation de l'auteur