Les Amis du Peuple du Sahara Occidental (APSO sud de la France) étaient à la fête de l'Humanité de Lyon ce samedi 26 novembre 2011.
Parmi 45 stands, l'association a proposé autour du thé des informations sur le Sahara Occidental, son histoire de décolonisation toujours inachevée, et l'actualité de la résistance dans les territoires occupés. Selon les organisateurs de la fête, 1200 personnes sont venues s'y rencontrer.
Au programme de la journée, deux conférences ont proposé une réflexion sur la réponse à la demande d’un meilleur partage des richesses comme un des éléments de sortie de la crise ; et des témoignages sur la place des femmes, des féministes dans le monde, qui souvent dans l’ombre, résistent, s’organisent et agissent pour leurs droits, pour le respect de la démocratie et des libertés.
Dans la soirée, trois concerts se sont succédés, une autre forme d’expression de lutte et de contestation, avec BARRIO POPULO rythme rock et poésie Française révoltée, puis L’HOMME PARLE (rythmes Alternatif/Hip Hop) de la lutte dans les pièges du monde moderne, et pour finir BROUSSAÏ, rythme Reggae et pertinence contemporaine.
Les publics variés se sont arrêtés au stand des APSO, dont certain très au fait de la cause sahraouie, et d'autres franchement étonnés de découvrir qu'un mur coupe le Sahara Occidental et sépare son peuple, mais surtout de l'état de désinformation de rigueur en France sur cette question de droit international.
Salah Eddine Amaidan, le sportif sahraoui de haut niveau, membre d'APSO, est venu renforcer l'équipe de Lyon et a mené des discussions très approfondies avec de nouveaux amis sur les questions géopolitiques.
La presse locale et nationale c'est bien sur fait écho de cette fête de l'Huma à Lyon qui a été une belle réussite...
APSO, le 28 novembre 2011.
lundi 28 novembre 2011
jeudi 10 novembre 2011
Sahara Occidental, la guerre des pierres
À El Aaiun, au Sahara Occidental occupé, alors que les services municipaux de ramassage des ordures ne font plus leur travail depuis de nombreux mois, laissant cette fonction de la collectivité aux initiatives individuelles, d'autres fonctionnaires du royaume, policiers et miliaires, se montrent très actifs et caillassent les Sahraouis pour les empêcher de rester dans les rues.
Voir http://youtu.be/qLziWmOJwW0 édifiant à partir de la 6ème minute, et http://youtu.be/pXg-Z6LU-kA idem à partir de la 2ème minute.
Les rues sont donc autorisées aux ordures mais pas aux Sahraouis. Si cette politique qui semble s'être instaurée depuis un an est un défi à la propagande angéliste du Maroc sur le territoire occupé, c'est aussi une technique inédite de promotion du tourisme !
Les terrains vagues couverts de poubelles jalonnent la ville occupée autant que les débuts de constructions en parpaing toutes identiques qui témoignent de la volonté effrénée du Maroc d'attirer toujours plus de colons marocains dans ce désert qu'ils n'apprécient que pour les subventions qu'on leur donne pour s'y installer.
Pour les touristes non avertis, le Sahara Occidental est un territoire non autonome, la dernière colonie d'Afrique, qui attend qu'aboutisse le processus de l'autodétermination de son peuple originaire, le peuple Sahraoui. Le Sahara Occidental n’est pas le Maroc.
Les Marocains qui y vivent, et qui par pan-Sahraouisme peuvent s'affirmer sahraoui et porter les vêtements traditionnels, sont des instruments de la colonisation, déplacés là en pleine infraction à la légalité internationale.
Les tonalités orangées des murs des bâtiments, - couleur de crépis imposée de force par les autorités -, comme les places publiques en carton-pâte digne des cartes postales, sont des mirages proposés aux crédules, pour démontrer la bienveillance des autorités coloniales. Cela n'a cependant pas de rapport avec les immenses profits que le roi, ses généraux, les invités étrangers de marque, les entreprises marocaines, espagnoles, françaises... tirent directement ou indirectement des ressources naturelles volées à la terre sahraouie, contre la volonté du peuple.
Bien sûr, les choses dites ne sont pas les choses écrites, et les mensonges ont des impacts plus durables que la réalité qui se doit de se démontrer… alors il faut lire entre autres, l’avis du conseil de sécurité de 1975 et la déclaration 34/37 de l’ONU en 1979 :
"L'Assemblée générale [...] déplore vivement l'aggravation de la situation découlant de la persistance de l'occupation du Sahara occidental par le Maroc et de l'extension de cette occupation au territoire récemment évacué par la Mauritanie"…
Dans notre 21ème siècle, il reste une colonie en Afrique, la Sahara Occidental. L’Espagne son ancien colonisateur n’assume pas la responsabilité de l’administration qui lui échoit, pas plus qu’elle n’est cohérente dans son attitude avec le Maroc qui a colonisé partiellement le territoire à partir de 1975.
Les sahraouis vivent dans des campements de réfugiés, ou sous l’occupation avec ses violences quotidiennes. En territoires occupés, ils résistent contre le colonisateur quand la valse des diplomaties internationales ne démontre que leur inefficacité. Ils ripostent à coups de pierres au caillassage débridé des autorités.
APSO, le 10 novembre 2011
mardi 8 novembre 2011
Il y a un an, le Maroc attaque Gdem Izik, c'est la guerre civile à El Aaiun
Le 8 novembre 2010, au Sahara Occidental, les autorités marocaines lancent l'assaut contre un village de 7000 tentes dans lesquelles dorment des civils sahraouis, femmes enfants et vieillards.
20 000, 30 000 sahraouis s'étaient rassemblés dans le désert à proximité d'El Aaiun pour protester contre la confiscation de tous leurs droits dans leur pays occupé, dont celui primordial à l'autodétermination.
L'attaque a été d'une violence sans commune mesure, doublée d'un blocus sur la ville empêchant les familles sahraouies de venir secourir les leurs. Les colons marocains ont surenchéri à la violence, comme dans le plus mauvais des scénarii d'une occupation armée. Les scènes de guerre civile qui ont suivi ont laissé des traces encore visibles aujourd'hui sur la ville occupée.
Lors de l'attaque du campement par toutes les forces répressives marocaines associées, ce sont les postes de surveillance qui ont été d'abord neutralisés.
Parmi les jeunes hommes qui composaient les équipes de protection, Lfrir Kaziza, 21 ans, explique aujourd'hui comment la violence s'est déchaînée sur lui et ses compagnons, le 8 novembre avant l'aube et les jours suivants.
Les blessures et tortures que lui ont infligé les militaires marocains, restées sans réels soins depuis un an, le font souffrir constamment surtout après qu’il ait été récemment roué de coups par la police. Mais aller à l'hôpital pour les Sahraouis, c'est risquer d'y être refusé ou enlevé, torturé par les forces répressives marocaines.
Si c'est aujourd'hui le bras en écharpe de Lfrir qui attire l'attention, la douleur qui lui fait perdre connaissance quand il s'agit de changer ses bandages, l'insensibilité dans sa main qui semble morte, on remarque aussi ce qu'il tait. Une boiterie dont il dit finalement que c'est une autre trace de violence de la police marocaine, dans une bataille précédente pour l'indépendance de son pays.
Il est amaigri, fragile et comme aiguisé, mais la conscience de son identité sahraouie, l'aspiration à la liberté de son peuple, pour laquelle il agit depuis son adolescence ont lentement forgé une force qui dépasse sa souffrance, et qui le pousse à agir, et à oser parler aussi.
Lire ci-dessous son témoignage.
APSO, le 8 novembre 2011
Témoignage de Lfkrir KAZIZA
Je suis né le 15 octobre 1990 à El Aaiun, au Sahara Occidental occupé, j’ai 21 ans.
J’habite Avenue Smara, quartier Qouts, El Aaiun
En 2005, j’ai participé à l’intifada. J’étais dans les manifestations au collège et toutes les manifestations dans la rue. Je n’étais pas connu de la police marocaine qui ne m’a jamais attrapé.
En 2008, tous les Sahraouis ont commencé à parler de la question sahraouie : des violences et de la revendication pour l’autodétermination.
J’étais en 4ème dans un collège public, et j’ai été exclu de l’école.
Je participais puis j’organisais les manifestations dans mon école depuis 2005. On appelle ça les manifestations scolaires.
Je faisais aussi les drapeaux sahraouis sur les murs de la ville, mais personne ne savait que c’était moi.
La police venait régulièrement me chercher à l’école parce que je participais aux manifestations dans les rues et je me sauvais à chaque fois.
Une nuit, je suis entré dans l’école pour descendre le drapeau marocain et le remplacer par le drapeau Sahraoui. Le directeur m’a vu.
Ensuite il m’a convoqué pour me dire que j’étais exclu. J’ai demandé un document pour changer d’école, ce que le directeur m’a remis. Mais aucun directeur des autres écoles n’a accepté de me prendre.
Depuis que je suis jeune, je suis musicien, je joue de la guitare et je chante dans un groupe avec des amis.
Après 2005, nous avons écrit et composé des chansons pour la résistance et l’intifada.
Nous avons enregistré les chansons et filmé. Nous les avons mises sur youtube, et les Sahraouis se les transmettaient par leurs téléphones. Beaucoup de Sahraouis connaissaient nos chansons qui parlaient de la révolution, du pays, de chaque actualité, des événements de la lutte, comme Aminatou Haidar, les violences sur les militants…
En octobre 2010, je suis allé avec les premiers qui ont planté la tente à Gdem Izik. Nous avons planté la tente avec des amis.
Quand les familles ont commencé à être nombreuses, j’ai appelé ma mère qui est venue aussi avec la famille.
Je participais à l’organisation de notre campement et ma fonction était la surveillance du barrage des Marocains. Je faisais aussi les patrouilles qui surveillaient les alentours du camp pour la sécurité des femmes, des enfants et des vieux dans le camp.
La nuit d’avant l’attaque du campement par les forces de sécurité marocaines, j’étais de garde pour la sécurité d’une partie du campement.
Les Marocains nous ont attaqué en premier avant d’entrer dans le campement.
Nous étions 4 jeunes sahraouis, les soldats marocains sont arrivés dans deux camionnettes pour nous frapper et nous emmener dans les voitures.
A ce moment-là, j’ai été frappé violemment à l’épaule, avec la crosse d’une Kalachnikov.
La voiture dans laquelle j’étais et beaucoup d’autres sont allées dans le désert. Nous avons su après qu’il y avait une immense manifestation dans El Aaiun.
Dans le désert, nous sommes restés jusqu’à 16h.
Les soldats m’ont accroché les mains et bandé les yeux, et dans la voiture, ils m’ont frappé avec leurs mains leurs pieds, les matraques.
Il y avait 8 soldats pour me battre, j’étais tout seul, et je ne savais pas ce qui se passait pour mes amis. J’ai su après que c’était la même chose pour eux.
Ils m’ont battu jusqu’à ce que je perde connaissance. Je me suis réveillé dans le bâtiment dans lequel je suis resté au secret pendant 20 jours. Ma famille pensait que j’étais mort.
Ce bâtiment, je l’ai reconnu en sortant, il est avenue de Smara, proche de la caserne militaire, et c’est un orphelinat qui n’a jamais été en service. Un bâtiment vide d’habitude mais nous savons que c’est un endroit où les militaires de renfort sont hébergés et cachés quand il y a la guerre ici (les manifestations).
Dans le bâtiment où j’étais retenu, j’étais dans un groupe de 40 personnes. Nous étions dans une petite pièce. Chaque jour à partir de 6h du matin, les soldats venaient nous chercher par 5 pour nous emmener et nous torturer pendant 1 à 2 h.
Tous les jours j’ai été torturé d’une manière différente. J’étais blessé à l’épaule droite, je n’avais pas été soigné et j’avais très mal.
J’ai été brûlé avec les cigarettes et suspendu et battu dans la position que nous appelons le poulet en méchoui.
Un jour, on m’a conduit dans une pièce dans laquelle des cordes descendaient du plafond.
Les soldats m’ont demandé à quelle épaule j’étais blessé et j’ai répondu en pensant que c’est par l’autre qu’ils voulaient me suspendre.
Pendant 7 heures, ils m’ont suspendu par le bras de mon épaule blessée et ils m’ont frappé jusqu’à ce qu’elle casse. Les os de ma clavicule sont sortis de ma peau et l’os de mon bras s’est détaché de mon épaule.
J’ai été libéré au bout de 20 jours, le 28 novembre 2010. Ils m’ont conduit jusque ma maison, les yeux bandés. Après la libération d’un premier groupe 15 jours après Gdem Izik, ma famille avait appris que j’étais dans ce lieu.
Je suis allé tout de suite à l’hôpital, mais il était plein de militaires qui m’ont empêché d’entrer.
Je suis retourné à l’hôpital deux semaines après parce que mon bras était tout bleu et très gonflé.
Le médecin a dit qu’il ne pouvait rien faire d’autre que me couper le bras, et qu’il fallait que j’aille chercher une autre solution ailleurs.
Je suis retourné plusieurs fois à l’hôpital et on m’a toujours dit la même chose.
J’ai décidé de rester à la maison et d’utiliser les médicaments sahraouis : dsem et el hemera. C’est comme une crème qu’on fait avec des herbes et de la terre, et qu’on m’a mis tous les jours sur mon bras et mon épaule avant de bander.
Les hématomes et les gonflements sont petit à petit partis. Mais l’épaule était toujours cassée.
J’ai peur d’aller à l’hôpital parce que qu’un ami y a été attaqué par la police qui a essayé de le tuer. D’autres amis y ont été frappés et torturés par la police marocaine.
C’est un ami infirmier qui m’a soigné. Mon bras est bandé. Mon épaule et mon bras sont immobilisés depuis un an. Le bandage sert à me protéger du froid.
Petit à petit j’ai perdu la sensibilité dans mon avant-bras et dans ma main droite. Maintenant je ne peux plus rien attraper ni rien faire avec ma main droite. La douleur est toujours très forte dans mon épaule.
Il y a une semaine, la police m’a attrapé et m’a frappé à nouveau sur tout le corps.
Nous avons fait une manifestation dans la cour de notre école avec tous les étudiants pour fêter le retour du prisonnier politique El louali Amaidan. Au début il n’y avait que nous puis tous les Sahraouis des environs sont arrivés.
J’ai fait monter le drapeau sahraoui et nous avons crié les slogans pour l’indépendance.
La police est arrivée et tout le monde a essayé de fuir. Les élèves sont entrés dans les classes et ceux qui n’étaient pas étudiants sont sortis en courant de l’école.
La police m’a attrapé et conduit au grand commissariat. Je suis resté là 1 jour et demi. Les policiers m’ont frappé avec la nouvelle arme qu’ils utilisent. Une grosse matraque en bois.
Ils m’ont interrogé pour savoir pourquoi nous étions calmes depuis un an et que maintenant nous faisons des manifestations.
La douleur à mon épaule est devenue plus forte après les coups. C’est difficile de changer mon bandage. Il m’arrive de perdre connaissance dans la journée.
Je n’ai pas le droit d’étudier, ni de travailler. Le Maroc occupe mon pays par la force. Plutôt lutter et risquer la mort plutôt que de ne rien faire.
Recueilli par APSO Sahara, le 21 octobre 2011, à El Aaiun.
Pour tout complément d’information
Lfkrir Kaziza : 00212 6 23 43 75 09
Sliman Kaziza 00212 6 70 52 91 16
20 000, 30 000 sahraouis s'étaient rassemblés dans le désert à proximité d'El Aaiun pour protester contre la confiscation de tous leurs droits dans leur pays occupé, dont celui primordial à l'autodétermination.
L'attaque a été d'une violence sans commune mesure, doublée d'un blocus sur la ville empêchant les familles sahraouies de venir secourir les leurs. Les colons marocains ont surenchéri à la violence, comme dans le plus mauvais des scénarii d'une occupation armée. Les scènes de guerre civile qui ont suivi ont laissé des traces encore visibles aujourd'hui sur la ville occupée.
Lors de l'attaque du campement par toutes les forces répressives marocaines associées, ce sont les postes de surveillance qui ont été d'abord neutralisés.
Parmi les jeunes hommes qui composaient les équipes de protection, Lfrir Kaziza, 21 ans, explique aujourd'hui comment la violence s'est déchaînée sur lui et ses compagnons, le 8 novembre avant l'aube et les jours suivants.
Les blessures et tortures que lui ont infligé les militaires marocains, restées sans réels soins depuis un an, le font souffrir constamment surtout après qu’il ait été récemment roué de coups par la police. Mais aller à l'hôpital pour les Sahraouis, c'est risquer d'y être refusé ou enlevé, torturé par les forces répressives marocaines.
Si c'est aujourd'hui le bras en écharpe de Lfrir qui attire l'attention, la douleur qui lui fait perdre connaissance quand il s'agit de changer ses bandages, l'insensibilité dans sa main qui semble morte, on remarque aussi ce qu'il tait. Une boiterie dont il dit finalement que c'est une autre trace de violence de la police marocaine, dans une bataille précédente pour l'indépendance de son pays.
Il est amaigri, fragile et comme aiguisé, mais la conscience de son identité sahraouie, l'aspiration à la liberté de son peuple, pour laquelle il agit depuis son adolescence ont lentement forgé une force qui dépasse sa souffrance, et qui le pousse à agir, et à oser parler aussi.
Lire ci-dessous son témoignage.
APSO, le 8 novembre 2011
Témoignage de Lfkrir KAZIZA
Je suis né le 15 octobre 1990 à El Aaiun, au Sahara Occidental occupé, j’ai 21 ans.
J’habite Avenue Smara, quartier Qouts, El Aaiun
En 2005, j’ai participé à l’intifada. J’étais dans les manifestations au collège et toutes les manifestations dans la rue. Je n’étais pas connu de la police marocaine qui ne m’a jamais attrapé.
En 2008, tous les Sahraouis ont commencé à parler de la question sahraouie : des violences et de la revendication pour l’autodétermination.
J’étais en 4ème dans un collège public, et j’ai été exclu de l’école.
Je participais puis j’organisais les manifestations dans mon école depuis 2005. On appelle ça les manifestations scolaires.
Je faisais aussi les drapeaux sahraouis sur les murs de la ville, mais personne ne savait que c’était moi.
La police venait régulièrement me chercher à l’école parce que je participais aux manifestations dans les rues et je me sauvais à chaque fois.
Une nuit, je suis entré dans l’école pour descendre le drapeau marocain et le remplacer par le drapeau Sahraoui. Le directeur m’a vu.
Ensuite il m’a convoqué pour me dire que j’étais exclu. J’ai demandé un document pour changer d’école, ce que le directeur m’a remis. Mais aucun directeur des autres écoles n’a accepté de me prendre.
Depuis que je suis jeune, je suis musicien, je joue de la guitare et je chante dans un groupe avec des amis.
Après 2005, nous avons écrit et composé des chansons pour la résistance et l’intifada.
Nous avons enregistré les chansons et filmé. Nous les avons mises sur youtube, et les Sahraouis se les transmettaient par leurs téléphones. Beaucoup de Sahraouis connaissaient nos chansons qui parlaient de la révolution, du pays, de chaque actualité, des événements de la lutte, comme Aminatou Haidar, les violences sur les militants…
En octobre 2010, je suis allé avec les premiers qui ont planté la tente à Gdem Izik. Nous avons planté la tente avec des amis.
Quand les familles ont commencé à être nombreuses, j’ai appelé ma mère qui est venue aussi avec la famille.
Je participais à l’organisation de notre campement et ma fonction était la surveillance du barrage des Marocains. Je faisais aussi les patrouilles qui surveillaient les alentours du camp pour la sécurité des femmes, des enfants et des vieux dans le camp.
La nuit d’avant l’attaque du campement par les forces de sécurité marocaines, j’étais de garde pour la sécurité d’une partie du campement.
Les Marocains nous ont attaqué en premier avant d’entrer dans le campement.
Nous étions 4 jeunes sahraouis, les soldats marocains sont arrivés dans deux camionnettes pour nous frapper et nous emmener dans les voitures.
A ce moment-là, j’ai été frappé violemment à l’épaule, avec la crosse d’une Kalachnikov.
La voiture dans laquelle j’étais et beaucoup d’autres sont allées dans le désert. Nous avons su après qu’il y avait une immense manifestation dans El Aaiun.
Dans le désert, nous sommes restés jusqu’à 16h.
Les soldats m’ont accroché les mains et bandé les yeux, et dans la voiture, ils m’ont frappé avec leurs mains leurs pieds, les matraques.
Il y avait 8 soldats pour me battre, j’étais tout seul, et je ne savais pas ce qui se passait pour mes amis. J’ai su après que c’était la même chose pour eux.
Ils m’ont battu jusqu’à ce que je perde connaissance. Je me suis réveillé dans le bâtiment dans lequel je suis resté au secret pendant 20 jours. Ma famille pensait que j’étais mort.
Ce bâtiment, je l’ai reconnu en sortant, il est avenue de Smara, proche de la caserne militaire, et c’est un orphelinat qui n’a jamais été en service. Un bâtiment vide d’habitude mais nous savons que c’est un endroit où les militaires de renfort sont hébergés et cachés quand il y a la guerre ici (les manifestations).
Dans le bâtiment où j’étais retenu, j’étais dans un groupe de 40 personnes. Nous étions dans une petite pièce. Chaque jour à partir de 6h du matin, les soldats venaient nous chercher par 5 pour nous emmener et nous torturer pendant 1 à 2 h.
Tous les jours j’ai été torturé d’une manière différente. J’étais blessé à l’épaule droite, je n’avais pas été soigné et j’avais très mal.
J’ai été brûlé avec les cigarettes et suspendu et battu dans la position que nous appelons le poulet en méchoui.
Un jour, on m’a conduit dans une pièce dans laquelle des cordes descendaient du plafond.
Les soldats m’ont demandé à quelle épaule j’étais blessé et j’ai répondu en pensant que c’est par l’autre qu’ils voulaient me suspendre.
Pendant 7 heures, ils m’ont suspendu par le bras de mon épaule blessée et ils m’ont frappé jusqu’à ce qu’elle casse. Les os de ma clavicule sont sortis de ma peau et l’os de mon bras s’est détaché de mon épaule.
J’ai été libéré au bout de 20 jours, le 28 novembre 2010. Ils m’ont conduit jusque ma maison, les yeux bandés. Après la libération d’un premier groupe 15 jours après Gdem Izik, ma famille avait appris que j’étais dans ce lieu.
Je suis allé tout de suite à l’hôpital, mais il était plein de militaires qui m’ont empêché d’entrer.
Je suis retourné à l’hôpital deux semaines après parce que mon bras était tout bleu et très gonflé.
Le médecin a dit qu’il ne pouvait rien faire d’autre que me couper le bras, et qu’il fallait que j’aille chercher une autre solution ailleurs.
Je suis retourné plusieurs fois à l’hôpital et on m’a toujours dit la même chose.
J’ai décidé de rester à la maison et d’utiliser les médicaments sahraouis : dsem et el hemera. C’est comme une crème qu’on fait avec des herbes et de la terre, et qu’on m’a mis tous les jours sur mon bras et mon épaule avant de bander.
Les hématomes et les gonflements sont petit à petit partis. Mais l’épaule était toujours cassée.
J’ai peur d’aller à l’hôpital parce que qu’un ami y a été attaqué par la police qui a essayé de le tuer. D’autres amis y ont été frappés et torturés par la police marocaine.
C’est un ami infirmier qui m’a soigné. Mon bras est bandé. Mon épaule et mon bras sont immobilisés depuis un an. Le bandage sert à me protéger du froid.
Petit à petit j’ai perdu la sensibilité dans mon avant-bras et dans ma main droite. Maintenant je ne peux plus rien attraper ni rien faire avec ma main droite. La douleur est toujours très forte dans mon épaule.
Il y a une semaine, la police m’a attrapé et m’a frappé à nouveau sur tout le corps.
Nous avons fait une manifestation dans la cour de notre école avec tous les étudiants pour fêter le retour du prisonnier politique El louali Amaidan. Au début il n’y avait que nous puis tous les Sahraouis des environs sont arrivés.
J’ai fait monter le drapeau sahraoui et nous avons crié les slogans pour l’indépendance.
La police est arrivée et tout le monde a essayé de fuir. Les élèves sont entrés dans les classes et ceux qui n’étaient pas étudiants sont sortis en courant de l’école.
La police m’a attrapé et conduit au grand commissariat. Je suis resté là 1 jour et demi. Les policiers m’ont frappé avec la nouvelle arme qu’ils utilisent. Une grosse matraque en bois.
Ils m’ont interrogé pour savoir pourquoi nous étions calmes depuis un an et que maintenant nous faisons des manifestations.
La douleur à mon épaule est devenue plus forte après les coups. C’est difficile de changer mon bandage. Il m’arrive de perdre connaissance dans la journée.
Je n’ai pas le droit d’étudier, ni de travailler. Le Maroc occupe mon pays par la force. Plutôt lutter et risquer la mort plutôt que de ne rien faire.
Recueilli par APSO Sahara, le 21 octobre 2011, à El Aaiun.
Pour tout complément d’information
Lfkrir Kaziza : 00212 6 23 43 75 09
Sliman Kaziza 00212 6 70 52 91 16
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