vendredi 8 avril 2011

Sahara Occidental : Juppé n’est pas informé


Le 30 mars 2011, le ministre français des affaires étrangères s’est prononcé sur la situation politique de nombreux pays du Maghreb et plus particulièrement sur celle du Maroc, partenaire privilégié de la politique étrangère de la France.

En novembre dernier, le parlementaire Jean-Paul Lecoq était intervenu à propos du Sahara Occidental après les événements qui ont suivi le démantèlement du campement de Gdeim Izik, véritable soulèvement de la population sahraouie, réprimé sans commune mesure par les autorités marocaines.

Alain Juppé vient de marquer sa position sur la question :
"M.Lecoq a évoqué avec beaucoup de sévérité ce qui se passe au Maroc. Je ne connais aucun rapport d’aucune ONG internationale sérieuse qui ait fait état de violations des droits de l’homme au Sahara occidental telles qu’il les a présentées."

Par ONG sérieuses, le ministre français des affaires étrangères exclut sans aucun doute les rapports des ONG sahraouies tels celui de l'
ASVDH, celui du CODESA et celui du CODAPSO. Rapports selon lui sans doute trop partiaux car écrits par des Sahraouis eux-mêmes, alors qu'ils réunissent les critères de rigueur et d’objectivité des rapports de droit de l’homme agréés. Ces organisations citent un nombre très impressionnant de témoignages sur les arrestations, tortures et autres violences policières commises à l'encontre de citoyens sahraouis par les autorités marocaines.

Pour affirmer cela, notre ministre des affaires étrangères ne doit pas avoir eu accès aux rapports d'ONG plus "sérieuses" telles qu'Amnesty International, Human Rights Watch ou le Centre Robert F. Kennedy pour les Droits de l'Homme. Car si Monsieur Juppé taxe de « sévère » le jugement sur le Maroc en l’état de ses connaissances partielles, peut-être changerait-il d’avis s’il était bien renseigné.

En effet, le
rapport d'Amnesty International mentionne lui que "de nombreux Sahraouis ont été arrêtés et frappés ou soumis à des actes de torture ou autres mauvais traitements" mais aussi que : "tous les Sahraouis interviewés par Amnesty international ont décrit la façon dont ils ont été battus, torturés ou les mauvais traitements qui leur ont été infligés au moment de leur arrestation ou lors de leur garde à vue par les autorités marocaines ; la plupart d'entre eux avaient des cicatrices et des blessures visibles à l'appui de leur témoignage. Malgré cela, les autorités marocaines n'ont pris aucune mesure pour enquêter sur les allégations de torture et autres mauvais traitements comme le prévoient la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auxquels le Maroc est État partie."

Human Rights Watch rapporte pour sa part : "Human Rights a interrogé sept Sahraouis détenus suite aux violences du 8 novembre puis libérés. Tous ont affirmé que la police ou les gendarmes les avaient maltraités en détention, les passant même à tabac dans certains cas jusqu'à ce qu'ils perdent conscience, leur jetant de l'urine dessus, et les menaçant de viol. Les avocats représentant ceux restant en détention ont raconté à Human Rights Watch qu'au moins l'un des détenus avait déclaré à un juge d'instruction qu'il avait été violé en détention, tandis que nombre d'autres ont indiqué au juge d'instruction et au procureur des passages à tabac et autres abus qu'ils auraient endurés en détention. Les témoins interrogés par Human Rights Watch présentaient de graves contusions et d'autres blessures récentes suggérant qu'ils avaient été passés à tabac en détention." L'ONG mentionne aussi le fait que l'un des chercheur de Human Rights Watch a lui aussi subit des violences de la part des autorités marocaines.

Le
Centre Robert F. Kennedy pour les Droits Humains note à propos des mêmes évènements les arrestations arbitraires, les violences policières, l'usage de la torture, le saccage des maisons des Sahraouis.

Il est question là d’un regain de violence et de terreur sur les sahraouis vivant dans leur pays occupé, violences psychologiques et physiques, interdiction de s’exprimer, de circuler, tortures, menaces de viol, viol sur les hommes et les femmes…

Seule une présomption d’ignorance de la part de notre ministre français des affaires étrangères pourrait atténuer le ridicule de sa déclaration quand il affirme que "de nouvelles mesures viennent d’être prises par le gouvernement marocain pour assurer un suivi du respect des droits de l’homme sur ce territoire".
Ce fait est pourtant contredit aujourd’hui par toutes les ONG travaillant au Maroc, quand les manifestations presque quotidiennes sont encore et toujours réprimées par les forces policières et militaires marocaines , à Casablanca, Rabat, Marrakech, Kenitra, Mohammedia, Tétouan, Khouribga...

Sur le Sahara Occidental, Alain Juppé va plus loin en déclarant dans cette même intervention que "le Maroc a fait des efforts considérables, en proposant notamment un statut d’autonomie qui lui permet de se diriger vers ce que souhaitent les Nations unies."

Ce « plan d’autonomie », vieil artifice sémantique destiné à maintenir le statu quo de la situation et la poursuite du pillage des ressources naturelles du Territoire Non Autonome par son colonisateur marocain, est une proposition impossible. L’autonomie n’est pas indépendance, et le principe que tente d’imposer la Maroc avec son complice français va à l'encontre du Droit International et de l’obligation conventionnelle des Nations Unies d'organiser un référendum pour l'autodétermination du Sahara Occidental.

A ce propos, le mandat de la MINURSO, Mission des Nations Unies pour le Référendum du Sahara Occidental doit prochainement être renouvelé. Cette mission présente sur place depuis maintenant 20 ans est la seule mission de maintien de la paix des Nations Unies qui ne possède pas de mandat de surveillance des Droits de l'Homme.
Cette surveillance est pourtant demandé depuis de nombreuses années et les ONG "sérieuses" insistent toutes sur la nécessité d'un tel mandat au Sahara Occidental.
Or depuis que cette question de l’élargissement du mandat de la Minurso est fortement à l’ordre du jour du conseil de sécurité, chaque année le processus est bloqué par l'utilisation de la France de son pouvoir de veto au Conseil de Sécurité.

En 2011, la surveillance des Droits Humains au Sahara Occidental doit être une priorité afin de protéger des populations civiles à la merci des forces armées du pays occupant.

Combien de temps la France va t elle soutenir le régime marocain et son occupation illégale du Sahara Occidental ?

Combien de temps encore la France va t elle mentir aux citoyens français, marocains et sahraouis sur de la situation des Droits de l'Homme sur place, pour protéger un régime qui continue son oppression sur les protestations pacifiques qui durent depuis des années?

Monsieur Juppé, nous, citoyens français, citoyens sahraouis, défenseurs des Droits Humains et militants pour le respect du Droit International, nous refusons de tolérer vos propos et vos prises de positions.
Elles n’engagent en aucun cas le peuple français car elles vont à l'encontre des valeurs que nous défendons.

APSO, le 7 avril 2011.