samedi 18 mai 2013

Défilés par JFD. La République Sahraouie fête les 40 ans du Polisario


Défilés 
Faudra t'il attendre 50 ans? Pour que cette lente danse gracieuse et patiente des Sahraouis s'immobilise en une danse mortelle.
Ils sont là, par centaines, à fêter leur résistance, collective et individuelle.
Quarante années d'un front dressé pour se libérer d'un système colonial et aussitôt tomber sous le joug d'un autre.

Quarante années dont presque trente huit d'exil géographique pour la moitié d'entre eux dans les camps de réfugiés et trente huit d'exclusion sociale pour celle restée sur place, en zone occupée.
Ils sont là, par centaines, par plus de 40 degrés à l'ombre à attendre de défiler, devant un monde absent aux institutions immobiles.
 Une année de souffrance et d'usure supplémentaire affichée au thermomètre d'une indifférence aussi accablante qu'un soleil de plomb fondu. Le seul chiffre qui baisse ici, c'est l'âge de la mort !

Les années défilent. Les hommes aussi, dans leurs uniformes militaires.
Les années passent. Les femmes aussi, en costumes noirs et blancs, comme figées par le temps.
Les années coulent. Comme coule cette génération d'enfants dans ces oueds oubliés, chantant des slogans d'appels à l'espoir sur le ton d'appels au secours.

Ces années inscrites en chiffres égrenés sur ces panneaux brandis, ces visages de disparus pleurés, jusqu’aux pierres de cimetières dressées, paradant immobiles en rangs serrés.
Des hommes, des femmes, des enfants, oubliés par milliers, vieillissants. Condamnés à marcher dans le désert, prison à ciel ouvert. Que le pas soit martial, dansant ou hésitant, il demeure exilé, inutile, désorienté, année après année.

La mort s’annonce ici dès la naissance, comme un porte drapeau. L’échec est l’ombre du moindre espoir au point qu’échouer devient victoire, pour que l’espoir demeure, malgré tout.
On défile donc, parce que l’espoir s’est défilé en 1975, puis en 1991, puis d’années en années.
Seules les condamnations pleuvent sur les innocents qui défilent aujourd’hui dans ce camp d’El Ayoun ou dans la capitale du Sahara Occidental. Vingt ans, trente ans, perpétuité, la mort.
Ce damné défilé d’années n’en finira t’il donc jamais?
Résolutions humanistes devenues lettres mortes, urgence humanitaire devenue gestion chronique, frères humains devenant proies d’exil.

J’ai alors vu en chaque Sahraoui, en une ferme calligraphie, une lettre de l’acte d’accusation.
Puis à l’horizon, dans la chaleur ondulante, j’ai cru voir les coupables et leurs complices, s’approchant pour défiler, à la barre.

Jean François Debargue. Le 10 mai 2013, camp d'Elayoun
Publié par APSO avec l'autorisation de l'auteur 

 Photo JFD